Un emprunt pour le financement de biens immobiliers
Lors de la constitution d’une société, les associés ont la possibilité de recourir à un emprunt pour financer l’acquisition d’un ensemble de biens immobiliers. Dans le cadre de ce prêt, la banque exige la souscription à une assurance emprunteur sur la tête de l’un des dirigeants de la société afin de garantir le remboursement de l’emprunt. Dans l’hypothèse de la survenance d’un sinistre, l’assurance verse alors à la banque le capital restant dû du prêt.
Sur l’imposition de l’indemnité d’assurance
En vertu de la doctrine administrative (BOI-BIC-PDSTK-10-30-20 n°130 du 02/03/2016) le profit qui résulte de l’indemnisation du prêteur par la compagnie d’assurances doit être compris dans les résultats de l’exercice en cours, en application des dispositions prévues à l’article 38 du CGI.
Cette imposition peut entraîner des difficultés financières pour l’entreprise dans la mesure où, l’extinction de la dette ne s’accompagne d’aucun versement de fonds à son profit.
Exemple: l’acquisition d’un ensemble immobilier pour une valeur de 1000k financée par un emprunt de 900k euros.
Actif | Montant | Passif | Montant |
Actif immobilier | 1000k | Capital social | 100k |
Emprunt | 900k | ||
Trésorerie | 0 | ||
Total | 1000k | 1000K |
On constate en l’espèce qu’avant la survenance du sinistre, la société valait : 1 000k – 900k = 100k euros. Dans l’hypothèse de la survenance d’un sinistre, l’assurance versera à la banque le capital restant dû du prêt, soit la somme de 900k d’euros.
Le bilan comptable après survenance du sinistre sera le suivant si la société en question est soumise à l’impôt sur les sociétés :
Actif | Montant | Passif | Montant |
Actif immobilier | 1000k | Capital social | 100k |
Résultat de l’exercice | 653k | ||
Compte courant associé | 247k | ||
Total | 1000k | 1000K |
En vertu de l’article 219, I-b du CGI, le taux normal de l’IS, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier et jusqu’au 31 décembre 2021, est fixé à 27,5 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est au moins égal à 250 M €.
Dans cette hypothèse, les bénéfices provenant de l’indemnité d’assurance seront taxés à un taux de 27.5%, ce qui donnera lieu au paiement de la somme de 247 000 euros. Si la société en question ne dispose pas de liquidité pour régler cette somme, elle pourra réaliser un emprunt auprès de ses associés (compte courant d’associé).
Ainsi, la valeur de la société après le sinistre sera d’un montant de 753k euros (1000k – 247k = 753k).
Le bilan comptable après la survenance du sinistre sera le suivant si la société relève du régime des sociétés de personnes :
Actif | Montant | Passif | Montant |
Actif immobilier | 1000k | Capital social | 100k |
Capitaux propres | 900k | ||
Total | 1000k | 1000K |
Dans cette hypothèse, sur le fondement de l’article 8 du CGI, chaque associé, personne physique, sera personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leur droit dans la société. Au vu de l’importance du bénéfice découlant de l’indemnité d’assurance, chaque associé pourrait relever de la cinquième tranche d’imposition, par conséquent, être taxé au taux de 45%, en vertu de l’article 197, I-1 du CGI.
Dans l’hypothèse où, le TMI d’un contribuable est de 45%, il devra alors s’acquitter d’un impôt sur le revenu d’un montant de 405k euros (900k x 45% = 405k).
Sur les conséquences de la non–adaptation de la clause
La non–adaptation de la clause bénéficiaire a des conséquences sur le plan fiscal.
D’une part, lorsque la société en question relève du régime des sociétés de capitaux et dans le cas où elle ne disposerait pas de suffisamment de liquidité, les héritiers devront alors apporter dans le compte courant de la société la somme correspondant à l’impôt sur les sociétés qu’elle devra payer au titre des bénéfices découlant de l’indemnité d’assurance. Dans notre exemple, il s’agira du paiement de la somme de 247k euros. Et dans le cas où le régime des sociétés de personnes lui serait appliqué, chaque associé de ladite société relèvera ainsi du taux marginal d’imposition de la cinquième tranche, soit au taux de 45%. Ce qui donnera lieu au paiement de la somme de 405k euros (900k x 45 = 405k).
D’autre part, lors de la succession, la base imposable ne sera plus de 100k mais de 753k euros puisque la valeur vénale de la société augmente par le versement de l’indemnité d’assurance directement à la banque. Dans l’hypothèse où, le défunt n’aurait qu’un seul héritier, ce dernier sera redevable des droits de succession sur une assiette plus importante, ainsi il sera taxé au taux de 30%, en prenant en compte l’abattement en ligne directe de la somme de 100k. Donc la base imposable serait de 653k euros, il devra par conséquent s’acquitter des droits de succession de la somme de 196k euros ( 653k x 30% = 196k).
Pour une transmission en ligne directe | ||
HÉRITIERS
| Abattement accordé en cas de… | |
DONATION | SUCCESSION | |
Enfants | 100 000 euros | 100 000 euros |
Parents | 100 000 euros | 100 000 euros |
MONTANT TAXABLE APRÈS ABATTEMENT
| TAUX APPLICABLE | MONTANT À RETRANCHER |
Inférieur ou égal à 8 072 euros | 5% | 0 euro |
De 8072 à 12 109 euros | 10% | 404 euros |
De 12 109 à 15 932 euros | 15% | 1 009 euros |
De 15 932 à 552 324 euros | 20% | 1 806 euros |
De 552 324 à 902 838 euros | 30% | 57 038 euros |
De 902 838 à 1 805 677 euros | 40% | 147 322 euros |
Plus de 1 805 677 euros | 45% | 237 606 euros |
Sur les conséquences fiscales de la clause séquestre
Il est possible de remédier, en partie, à cette difficulté en prévoyant notamment un étalement sur cinq ans de l’imposition du profit en cause sur le fondement de l’article 38 quater du CGI. Corrélativement, la déduction des primes d’assurance qui n’ont pas été retenues au titre des exercices antérieurs doit également être étalée sur cinq ans (BOI-BIC-CHG-40-20-20 au I-C-2 §110).
Il existe également une autre possibilité, qui est celle d’intégrer dans le contrat d’assurance emprunteur une clause séquestre. Cette clause permet une modification de la clause bénéficiaire. Ainsi, ce n’est plus la banque qui est le bénéficiaire de l’indemnité d’assurance, mais l’associé, ou les héritiers, ou un autre associé de la structure patrimoniale. Dans la convention de séquestre, le notaire s’engage à encaisser l’indemnité d’assurance et à la reverser à la banque.
Il convient de rappeler que l’indemnité d’assurance versée à un bénéficiaire déterminé (banque, associé) ou à ses héritiers ne fait pas partie de la succession de l’assuré en vertu de l’article L132-12 du Code des assurances. En revanche, lorsque le bénéfice du contrat d’assurance en cas de décès est stipulé au profit du souscripteur-assuré, d’un bénéficiaire indéterminé, ou encore de bénéficiaire prédécédé, il fait partie de la succession du souscripteur-assuré et se trouve taxé dans les conditions de droit commun (Cass. 1e civ. 16-2-1983 n°81-16.715, Cass.2e civ. 9-2-2012 n°11-12.109).
Exemple : Le cas d’un associé ayant un seul enfant. Dans cette hypothèse, la clause bénéficiaire pourrait être adaptée comme suit : l’enfant est le bénéficiaire de l’indemnité d’assurance. Dès lors, la convention de séquestre va prévoir que le notaire encaisse les fonds et verse l’indemnité d’assurance à la banque. Ainsi, la banque ne prend aucun risque que l’indemnité d’assurance ne lui soit pas versée.
Le bilan après le sinistre en présence d’une clause de séquestre :
Actif | Montant | Passif | Montant |
Actif immobilier | 1000k | Capital social | 100k |
CCA enfant | 900k | ||
Total | 1000k | 1000K |
Ainsi, la valeur de la structure patrimoniale demeure inchangée, soit de 100k euros.
L’intégration de la clause séquestre permet à la société d’éviter une fiscalité au niveau de la structure patrimoniale au titre de l’indemnité d’assurance (IS ou IR). En effet, l’indemnité d’assurance versée à la banque rentre dans le compte courant d’associé (enfant héritier) et non dans les bénéfices de l’entreprise. Par conséquent, elle ne sera taxée ni au titre de l’impôt sur les sociétés, ni du celui de l’impôt sur le revenu.
En matière de droit de succession, cette clause permet à l’héritier de devenir propriétaire de la somme de 900k euros sans payer de droits de succession le concernant.
Elle permet également à la valeur vénale de la société en question de rester intacte. Ainsi, sur une assiette taxable de 100k euros et après un abattement en ligne directe du même montant, il ne devrait pas s’acquitter de droits de succession sur la transmission en ligne directe de ladite société.
Sur le devoir de conseil des banquiers
En vertu de l’article L 313-11 du Code de la consommation, les banques sont tenues par une obligation de conseil vis-à-vis de leurs clients, lors du consentement au crédit. Elles devront donc rester vigilantes au respect de cette obligation car les conséquences d’un tel manquement peuvent donner lieu, pour les emprunteurs, au paiement d’une imposition excessive. Par voie de conséquence, les banques peuvent être ramenées à indemniser le préjudice subi par ces derniers.
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