Cette question est longtemps restée sans réponse. En effet, ni la loi ni la jurisprudence n’avait clairement répondu à cette question. Bien que, la Cour de cassation affirmait régulièrement la qualité d’associé du nu-propriétaire, rien ne permettait d’interpréter ces décisions comme déniant pour autant cette qualité à l’usufruitier.
De plus, l’attribution de la qualité d’associé à l’usufruitier faisait également l’objet d’une controverse doctrinale.
Pour certains auteurs, la qualité d’associé ne pouvait d’être reconnue qu’au nu-propriétaire, à l’exclusion de l’usufruitier (notamment A. Viandier, « La notion d’associé » : LGDJ 1978 n° 173 s.). D’ailleurs, d’après A. Viandier, si l’on peut admettre que l’usufruitier a l’affectio societatis et qu’il participe aux bénéfices et aux pertes, il est en revanche étranger aux apports, alors que ceux-ci (ainsi que les droits et obligations qui s’y rapportent) sont un élément indispensable de la qualité d’associé. Cependant, d’autres auteurs pensaient que la qualité d’associé pouvait être reconnue au nu-propriétaire comme à l’usufruitier.
Pour J. Derruppé, il est inexact de dire que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé au motif qu’il ne fait pas d’apport. En effet, que l’usufruit soit constitué lors de l’apport en société ou postérieurement, il correspond toujours à un apport fait par l’usufruitier lui-même ou par celui dont il est ayant droit (J. Derruppé, Un associé méconnu : l’usufruitier de parts ou d’actions : Rép. Defrénois 1994 art. 35894 p. 1137).
Enfin, pour M. Cozian, il convient de tenir compte du développement des démembrements de propriété, notamment sous forme de donation avec réserve d’usufruit, et il faudrait reconnaître que la réserve d’usufruit entraîne un démembrement des prérogatives de la qualité d’associé, lesquelles, au lieu d’être concentrées sur une même tête, sont réparties sur deux personnes, chacune étant considérée comme associée dans la limite des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi ou par les statuts (M. Cozian, Du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, qui a la qualité d’associé ? : JCP E 1994 I n° 374).
La Chambre commerciale de la Cour de cassation a enfin tranché la question dans un avis rendu le 1er décembre 2021, aux termes duquel elle considère que l’usufruitier de parts sociales ne peut pas se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais qu’il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance (Cass. Ch. Com. 1 décembre 2021 – n° 20-15.164). Elle s’est fondée sur l’article 578 du Code civil, et donc sur le critère de la propriété des droits sociaux, pour justifier sa solution. En vertu de cet article « l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance ». L’usufruitier dispose en effet, en vertu de la loi, de certains droits en principe réservés à l’associé, tels que le droit de vote pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices (C. civ. art. 1844, al. 3) ou encore le droit de participer aux décisions collectives (C. civ. art. 1844, al. 1), ce qui implique le droit d’être convoqué aux assemblées, d’y prendre part et d’y exprimer son avis, après avoir reçu les informations communiquées aux associés. Cependant, le fait de lui attribuer des droits attachés à la qualité d’associé ne lui confère pas cette qualité.
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