Mesures de lutte contre les dispositifs hybrides : la publication des commentaires administratifs
Des mesures générales de neutralisation s’appliquent lorsqu’un dispositif hybride est constaté.
Ainsi, sont considérées par la loi comme étant des dispositifs hybrides les situations dans lesquelles un paiement effectué au titre d’un instrument financier donne lieu à une charge déductible dans l’État de résidence du débiteur sans être inclus dans les revenus imposables dans l’État de résidence du bénéficiaire, (CGI art. 205 B).
L’administration a récemment commenté les mesures de luttes contre les dispositifs hybrides qui sont applicables aux exercices ouverts depuis le 1er janvier 2020. Il s’agit de règles particulières qui permettent de neutraliser les effets fiscaux asymétriques causés par certains dispositifs hybrides résultant de différences entre la législation française et celle d’autres États quant à la qualification de certains instruments financiers ou entité ou bien en matière d’attribution des paiements. Il convient de rappeler que ces règles ne concernent que les flux internationaux. De plus, l’administration fiscale a précisé que ces mesures ne s’appliquent qu’aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ainsi qu’à celles relevant du régime des sociétés de personnes, dès lors qu’un associé est soumis à l’impôt sur les sociétés (BOI-IS-BASE-80-10 n°1).
I – Définition
-
Déduction sans inclusion
Il y a déduction sans inclusion lorsqu’un paiement donne lieu à une déduction chez le débiteur du paiement sans entraîner la constatation d’un produit imposable dans le résultat fiscal du bénéficiaire du paiement au titre de l’exercice au cours duquel le paiement a été déduit par le débiteur.
L’administration a toutefois précisé que le fait que le résultat dans lequel le paiement a été inclus soit imposé à un taux plus faible que le taux normal de l’impôt sur les sociétés de l’État de résidence du bénéficiaire, ou même exonéré d’impôt sur les sociétés en application de la législation de cet État, ne conduit pas à remettre en cause l’existence d’une inclusion (BOI-IS-BASE-80-10 n°80).
Cependant, dans le cas d’un paiement effectué au titre d’un instrument financier, l’administration considère que le paiement est inclus dans le résultat imposable du bénéficiaire dès lors qu’il remplit deux conditions :
- Ne pas avoir ouvert droit, en application des règles de l’État de résidence du bénéficiaire, à une exonération, une réduction du taux d’imposition, ou un crédit ou remboursement d’impôt autre qu’un crédit d’impôt résultant d’une retenue à la source, en raison de la nature de ce paiement ;
- Avoir été inclus au cours d’un exercice qui commence dans les vingt-quatre mois suivant la fin de l’exercice au cours duquel la charge a été déduite (BOI-IS-BASE-80-10 n°90).
Il résulte de la première condition qu’un paiement sera reconnu comme inclus si l’exonération ou l’allégement fiscal accordé par la réglementation de l’État de résidence du bénéficiaire est uniquement fondé sur le statut fiscal du bénéficiaire. C’est également le cas pour les régimes fiscaux spécifiques applicables à certaines entités.
Elle précise que, dans l’hypothèse où la société bénéficiaire établie hors de France est membre d’un groupe fiscal au sens de l’article 223 A du CGI, la société débitrice doit démontrer que le paiement concerné a effectivement été inclus dans le résultat d’ensemble du groupe au titre duquel la société mère est redevable de l’impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés dans son État de résidence (BOI-IS-BASE-80-10 n° 100).
Il résulte de la seconde condition qu’à défaut d’inclusion dans ce délai d’un exercice qui commencera au plus tard le 31 décembre N+2, la déduction opérée au titre de ce paiement donne lieu à une réintégration extra-comptable au titre de l’exercice ouvert par le débiteur au plus tard à l’issue d’un délai de vingt-quatre mois suivant la clôture de l’exercice au titre duquel il a déduit le paiement (BOI-IS-BASE-80-10 n° 110).
Exemple 1 :
Un instrument financier donne lieu à une charge déduite du résultat fiscal de la société A, située en France, au titre d’un exercice clos par cette dernière le 31 décembre N. La contrepartie chez la société B, située dans un Etat B, doit être incluse dans son résultat fiscal au titre d’un exercice qui commencera au plus tard le 31 décembre N+2.
Exemple 2 :
Un instrument financier donne lieu à une charge déduite du résultat fiscal de la société A, située en France, au titre d’un exercice clos par cette dernière le 31 décembre N. Au 31 décembre N+2, la contrepartie chez la société B, située dans un État B, n’est pas incluse dans son résultat imposable. La société A doit ainsi réintégrer extra-comptablement dans le résultat de l’exercice N+2 la déduction précédemment réalisée.
-
Double déduction
La double déduction est la déduction du même paiement, des mêmes dépenses ou des mêmes pertes dans l’État de résidence du débiteur et dans un autre État.
L’administration précise que doivent donc être prises en compte (BOI-IS-BASE-80-10 n° 120) :
- La double déduction d’un paiement : le débiteur réalise un paiement en contrepartie de dépenses courantes telles que les paiements de services, de loyers, redevances, intérêts et autres montants pouvant être imputés directement sur le résultat fiscal ;
- La double déduction d’une dépense : la personne supporte une dépense telle qu’une dotation aux amortissements par exemple ;
- La double déduction d’une perte : la personne réalise effectivement une perte, en cas de résultat négatif par exemple.
Exemple de la double déduction d’une perte : La société A est située dans l’Etat A et détient un établissement situé dans l’État B. La législation de l’Etat A considère l’établissement comme ne constituant pas de présence imposable de la société A dans l’Etat B. Ainsi, la société A peu déduire le résultat négatif réalisé par l’établissement. À l’inverse, la législation du pays B considère l’établissement comme fiscalement imposable. Par conséquent, l’établissement peut enregistrer un déficit.
-
Transfert hybride
Le transfert hybride est un dispositif permettant de transférer un instrument financier lorsque le rendement sous-jacent de l’instrument financier transféré est considéré sur le plan fiscal comme obtenu simultanément par plusieurs des parties à ce dispositif.
L’administration précise qu’est un transfert hybride le dispositif permettant de transférer un instrument financier dont les caractéristiques économiques et la structuration conduisent les législations de deux États à formuler des conclusions opposées sur l’identité du propriétaire du rendement sous-jacent de l’actif transféré.
Sont notamment visées les opérations qui, sur le plan fiscal, sont traitées par un Etat comme un transfert de propriété, tandis que l’application de la législation applicable dans l’Etat de résidence de l’autre partie au dispositif conduit à assimiler l’opération à une mise à disposition temporaire, qui n’emporte pas le transfert de propriété (BOI-IS-BASE-80-10 n° 130).
II – Mesures de correction à apporter
Afin de neutraliser les effets d’asymétrie fiscale résultant des situations hybrides, deux règles générales de correction sont prévues : la première permet de corriger les situations de déduction sans inclusion, la seconde les situations de double déduction.
L’administration précise que ces règles de correction doivent être spontanément appliquées par les entreprises concernées.
- Mesures générales de correction
- En présence de dispositifs générant une déduction sans inclusion
- Charge déduite par une société soumise à l’IS en France
Lorsqu’un paiement effectué dans le cadre d’un dispositif hybride conduit à constater une charge déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés dû en France dans les conditions de droit commun, sans toutefois être inclus dans le résultat imposable dans l’État de résidence du bénéficiaire, cette charge n’est pas admise en déduction et doit, par conséquent, faire l’objet d’une réintégration extra-comptable (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 20).
Exemple :
Les sociétés A et B sont deux associées d’une entité hybride située dans l’Etat B. La société C est une entreprise associée résidente en France. La société C réalise un paiement de 100 à l’entité hybride qu’elle déduit comptablement. L’entité hybride bénéficiaire n’inclut pas ce paiement dès lors que la législation de l’Etat B considère l’entité comme fiscalement non imposable. Concernant les associés, la société B, située dans l’Etat B, inclut sa quote-part relative au paiement, soit 50, dans son résultat imposable. A l’inverse, la société A, située dans l’Etat A, n’inclut pas sa quote-part de paiement dans son résultat imposable car la législation de l’Etat A considère l’entité hybride comme fiscalement imposable dans son Etat de résidence.
Par conséquent, seule la quote-part du paiement revenant à l’associé A devra être corrigée et considérée comme non-déductible chez la société C en France.
Ainsi, dans l’hypothèse où un paiement ne fait pas l’objet d’une inclusion dans le résultat imposable de la société bénéficiaire ou, éventuellement, dans celui de ses associés au titre de l’exercice au cours duquel il intervient, la charge constatée au sein du résultat soumis à l’impôt sur les sociétés en France n’est pas déductible et doit dès lors être corrigée, de manière extra-comptable, à la clôture de l’exercice au cours duquel elle est constatée en comptabilité (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 30).
L’administration admet toutefois que cette correction n’a pas à être opérée lorsque l’inclusion du paiement dans le résultat imposable du bénéficiaire intervient entre la date de la clôture de l’exercice au titre duquel la charge a été constatée et la date limite de dépôt de la déclaration afférente à ce même exercice.
Par ailleurs, dans l’hypothèse où la charge a fait l’objet d’une réintégration extra-comptable parce que l’inclusion du paiement dans le résultat imposable du bénéficiaire n’est pas intervenue avant la clôture de l’exercice au titre duquel la charge a été constatée ou avant la date limite de dépôt de la déclaration afférente à ce même exercice, elle admet que la société concernée puisse déduire fiscalement la charge ainsi réintégrée lorsque l’inclusion correspondante intervient avant la clôture de l’exercice suivant celui au titre duquel cette même charge a été comptablement constatée. Pour ce faire, la société procède par voie de déclaration rectificative à la correction du résultat de l’exercice au titre duquel la charge a été initialement constatée.
-
Produit constaté par une société soumise à l’IS en France
Si un paiement, effectué dans le cadre de l’un des dispositifs hybrides, donne lieu à la déduction d’une charge au sein du résultat imposable dans l’Etat de résidence du débiteur, ce paiement doit être ajouté au résultat soumis à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun en France (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 60).
Cette neutralisation est opérée au titre de l’exercice au cours duquel un paiement générant un tel effet d’asymétrie fiscale est effectué.
Exemple :
Une société A, dont le siège est situé en France, a un établissement B situé dans l’Etat B. L’établissement déduit, en application de la législation de l’Etat B, un paiement réputé effectué à son siège A. Le siège A n’inclut pas ce paiement car la législation française ne prend pas en compte ce paiement réputé effectué, à l’inverse de la législation de l’État B. Ce paiement doit être ajouté au résultat soumis à l’impôt sur les sociétés en France : le siège A réintègre le paiement dans son résultat imposable (+100).
-
En présence de dispositifs générant une double déduction
Tout traitement fiscal asymétrique constaté à l’occasion de la mise en œuvre d’un dispositif hybride qui se manifeste par une double déduction, entraîne l’application d’une mesure de neutralisation, prévue au 2 du III de l’article 205 B du CGI (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 80).
La mise en œuvre de cette mesure corrective nécessite en pratique de distinguer deux situations :
- Soit l’investisseur est situé en France, et la charge n’est pas admise en déduction des revenus ;
- Soit l’investisseur est situé dans un autre Etat qui admet la déduction de la charge, et celle-ci n’est pas admise en déduction des revenus du débiteur situé en France.
Dans ces deux situations, la charge doit faire l’objet d’une réintégration extra-comptable.
Exemple :
La société B, située en France, détient l’entité hybride située dans l’État A. L’entité hybride effectue un paiement de 100 à la société C, qui l’inclut dans son résultat imposable. L’entité hybride, soit le débiteur, déduit ce paiement car, en application de la législation de l’État A, l’entité est fiscalement imposable. La société B, soit l’investisseur, déduit également ce paiement car, en application de la législation française, l’entité hybride est fiscalement non imposable dans l’État A où elle est située. En application du a) du 2 du III de l’article 205 B du CGI, la déduction du paiement doit être neutralisée et réintégrée au résultat imposable de la société B en France.
-
Mesures particulières de correction
-
En présence de dispositifs hybrides dits « importés »
Dans l’hypothèse où un paiement, déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés en France, a pour effet de compenser un autre paiement constitutif, dans un autre Etat, d’un dispositif hybride, une mesure spécifique de correction trouve à s’appliquer (CGI art. 205 B, III-3). Dans une telle situation, la déduction du premier paiement, qui génère indirectement une asymétrie fiscale en France, n’est dès lors pas admise (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 100).
L’asymétrie fiscale peut être importée de deux manières (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 110) :
- Soit par l’intermédiaire d’une transaction ou d’une série de transactions conclues entre des entreprises associées ;
- Soit par l’intermédiaire d’un dispositif structuré.
Il convient de rappeler que cette mesure spéciale de correction a vocation à s’appliquer à l’ensemble des effets fiscaux asymétriques, c’est-à-dire y compris à ceux survenant dans le cadre de relations entre un contribuable et une société tierce, dès lors que ces effets résultent de la mise en œuvre de dispositifs structurés.
L’administration précise par ailleurs qu’une opération ne peut être qualifiée de dispositif structuré que si le contribuable concerné n’est pas en mesure de démontrer que lui-même ou une entreprise associée n’étaient pas informés de l’existence d’une telle opération et qu’ils n’en ont pas tiré avantage sur le plan fiscal. Ainsi, s’il appartient à l’administration de mettre en évidence l’existence d’un dispositif structuré, les dispositions du 14° du I de l’article 205 B du CGI prévoient que le contribuable a la possibilité d’écarter l’application des mesures correctives qui en découlent en démontrant que lui et, le cas échéant, une entreprise associée n’avaient pas connaissance de l’existence de ce dispositif et qu’ils n’ont pas bénéficié de l’avantage fiscal en découlant (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 120).
Cette preuve peut être apportée par tout moyen. Elle peut reposer sur un ou plusieurs éléments (faisceau d’indices). A titre d’exemple, est susceptible de constituer un commencement de preuve la démonstration faite par un contribuable que le dispositif utilisé n’est pas exclusivement commercialisé auprès de contribuables situés dans un même Etat.
Exemple 1 :
Illustration d’un dispositif hybride importé en France par l’intermédiaire d’une transaction conclue entre entreprises associées :
Soient trois entreprises (A, B et C) appartenant au même groupe et considérées comme des entreprises associées entre elles. Ces trois sociétés sont situées dans trois États différents.
La société C, située en France, s’endette auprès de sa société sœur B, via l’émission d’obligations remboursables en actions (ORA). Dans le cadre de ce financement, la société C verse un montant d’intérêts à la société B qui donne lieu, d’une part, à la déduction d’une charge en France et, d’autre part, à l’inclusion de ce paiement dans le résultat imposable dans l’État B. Ainsi, dans les deux États concernés, le paiement est traité comme la rémunération d’un titre de dettes (charge et produit d’intérêts).
Afin de se refinancer à la suite de cette opération, la société B procède à son tour à l’émission d’ORA. La société A souscrit à l’ensemble des obligations émises. La rémunération versée au titre de ce financement par la société B est assimilée, eu égard à la législation de l’Etat B, à une charge d’intérêts, déductible de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices. En revanche, dans l’Etat A, tout paiement effectué au titre d’obligations remboursables en actions, est traité comme un produit de participation, et bénéficie à ce titre d’un régime équivalent au régime des sociétés mère et filiales, prévu en vertu des articles 145 et 216 du CGI.
Cette opération génère donc un traitement fiscal asymétrique (déduction sans inclusion), imputable à une différence de qualification fiscale entre deux États d’un instrument financier donné. Cette asymétrie fiscale est importée en France, par le biais d’une transaction conclue entre entreprises associées. Par ailleurs, l’État B ne disposant pas d’une législation permettant de neutraliser les effets des dispositifs hybrides, la société C, située en France, ne peut dès lors pas déduire la charge constatée à l’occasion du paiement afférent aux ORA souscrites par la société B, en application des dispositions du 3 du III de l’article 205 B du CGI (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 140).
Exemple 2 :
Deux entreprises (A et B) appartiennent au même groupe et sont considérées comme associées entre elles. Ces deux sociétés sont situées dans deux États différents.
La société B, située en France, souhaite se financer auprès de son entreprise associée A. Le mode de financement initialement envisagé engendrerait toutefois un traitement fiscal asymétrique (déduction sans inclusion), résultant de la différence de qualification fiscale de l’opération entre les deux États.
De ce fait, le groupe, dont les sociétés A et B sont membres, décide de mettre en œuvre cette opération de financement en recourant aux services d’un établissement financier indépendant. Dans l’État de résidence de l’établissement financier, le paiement réalisé entre la société B, située en France, et ce dernier ne fait l’objet d’aucune inclusion, en raison de la nature de ce paiement.
A ce titre, il est prévu entre le groupe et l’organisme financier indépendant de tenir compte, dans le cadre de l’élaboration du montage financier, de la valorisation de l’effet d’asymétrie fiscale en découlant : en effet, un partage de la valeur de cet avantage fiscal est expressément prévu dans le cadre du contrat conclu entre les deux parties.
Cette opération génère donc un traitement fiscal asymétrique (déduction sans inclusion) qui, en raison du recours à une entité indépendante dans la chaîne de financement, ne peut faire l’objet d’une correction qu’en application des dispositions du 3 du III de l’article 205 B du CGI, aux termes desquelles la déduction en France du montant versé par la société B à l’établissement financier indépendant ne peut dès lors être admise (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 140).
-
En présence d’établissements non pris en compte dont le siège est situé en France
Les revenus attribués à l’établissement d’une entité non pris en compte par l’État dans lequel il est situé, du fait d’un dispositif hybride, sont inclus dans le résultat soumis à l’impôt sur les sociétés de cette entité, lorsque cette entité a son siège en France (CGI art. 205 B, III-4).
Par exception, cette règle ne s’applique pas lorsque l’État de situation de l’établissement n’est pas membre de l’Union européenne et que la convention préventive de double imposition conclue entre la France et cet État n’attribue pas à la France le droit d’imposer un tel revenu (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 150).
-
En présence de transferts hybrides conçus en vue d’obtenir un allègement
Lorsqu’un transfert hybride est conçu pour donner lieu à un allègement au titre des retenues à la source pour un paiement provenant d’un instrument financier transféré à plusieurs des parties concernées par ce transfert, le bénéfice de cet allègement est limité au prorata des revenus nets imposables liés à ce paiement (CGI art. 205 B, III-5).
Cette mesure n’a pas pour objet de neutraliser un traitement fiscal asymétrique résultant de la mise en œuvre d’un transfert hybride. Elle permet de corriger le montant de l’allègement obtenu au titre des retenues à la source (limitation des crédits d’impôt étrangers) et résultant de la mise en œuvre d’un transfert hybride spécifiquement conçu en vue d’obtenir un tel allègement.
L’allègement fiscal visé est directement imputable au transfert de l’instrument financier entre les parties au dispositif, dans la mesure où ce transfert aboutit, en pratique, à considérer sur le plan fiscal le rendement sous-jacent comme obtenu simultanément par l’ensemble des parties au dispositif (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 170).
Exemple :
La société C, située dans l’État C, procède à l’émission d’obligations convertibles en actions. La société A souscrit à l’ensemble des obligations émises, et les met immédiatement à la disposition de la société B, à titre temporaire. La convention de prêt conclue entre les deux sociétés précise expressément que le montant des intérêts perçus à ce titre par B est intégralement et systématiquement reversé à la société A, après déduction de la retenue à la source supportée par la société B. D’un point de vue économique, la société A continue d’être pleinement exposée aux risques et au rendement associés à la détention des obligations de C.
Le montant des intérêts versés annuellement par la société C à la société B, avant application de la retenue à la source, est égal à un million d’euros. Dans l’État de résidence de la société C, les paiements afférents à des intérêts font l’objet d’une retenue à la source égale à 10 % du montant versé (100 000 €). La société B perçoit donc un revenu brut d’un million d’euros, et reverse, en application de la convention conclue, 900 000 € à la société A. Aussi, la société B peut bénéficier, dans son État de résidence, d’un crédit d’impôt d’un montant de 100 000 €, correspondant à la retenue à la source opérée dans le cadre du versement des intérêts par C.
Toutefois, dans son État de résidence, la société A est réputée être le propriétaire des obligations de C, en application de la législation en vigueur. Elle bénéficie ainsi d’un crédit d’impôt au titre de la retenue à la source qu’elle est supposée avoir supportée sur les intérêts perçus.
Dans cette situation, l’allègement fiscal, qui se traduit par l’obtention dans chaque État d’un crédit d’impôt au titre de la retenue à la source, est directement imputable au transfert des obligations émises par la société C entre les parties. La mise en œuvre de ce transfert aboutit ainsi à considérer sur le plan fiscal le rendement sous-jacent (intérêts) comme obtenu simultanément par l’ensemble des parties au dispositif. Par conséquent, les dispositions du 5 du III de l’article 205 B du CGI trouvent à s’appliquer au cas d’espèce, et imposent de limiter l’allègement fiscal obtenu au prorata des revenus nets imposables tirés du dispositif. Dans l’Etat A, le revenu net imposable tiré du dispositif est égal au montant brut du paiement. En revanche, dans l’Etat B, le crédit d’impôt doit être limité à 10 000 €, soit 1/10 du montant du crédit d’impôt initial ((1 000 000 – 900 000)/1 000 000) (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 180).
-
Charge de la preuve
L’administration fiscale confirme que les éléments de preuve établissant l’absence de dispositif hybride sont apportés uniquement à la demande de l’administration. Les entreprises n’ont donc pas à joindre ces éléments à leur déclaration annuelle de résultats (BOI-IS-BASE-80-20-20 n° 190).
La preuve peut être apportée par tout moyen. Les justificatifs peuvent notamment comprendre :
- Les écritures comptables de la société établie hors de France, retraçant les opérations en cause ;
- La déclaration de résultats de la société établie hors de France, ainsi que, le cas échéant, les documents relatifs à la liquidation de l’impôt équivalent à l’impôt sur les sociétés dans l’État de résidence du bénéficiaire ;
- Une documentation établie par le contribuable, décrivant la législation applicable dans l’État de résidence de la société débitrice ou créancière située hors de France, et démontrant que le paiement n’a pas généré un effet d’asymétrie fiscale.
Il convient à cet égard de démontrer que le paiement a effectivement fait l’objet d’une inclusion dans le résultat imposable de l’entité établie hors de France.
La preuve de la double inclusion peut être apportée dans les mêmes conditions pour écarter la neutralisation dans l’hypothèse d’un paiement effectué par une entité hybride (I. 1° e) de l’article 205 B du CGI) et dans l’hypothèse du paiement effectué par un établissement (I. 1° f) de l’article 205 B du CGI).
Pour un accompagnement : Mon Expert Comptable
Pour plus d’articles : Mon Audit Légal