La preuve de la conformité du taux d’intérêt du marché
Il est fréquent que les excédents de trésorerie dont peuvent disposer certaines sociétés d’un groupe soient mis à la disposition d’autres sociétés du même groupe. Ces opérations sont réalisées soit directement, soit par l’intermédiaire d’une « société pivot », le plus souvent la société mère, chargée de collecter puis de redistribuer ou de placer les fonds disponibles. Ces prêts intragroupes sont autorisés par l’article L511-7 du Code monétaire et financier aux termes duquel une entreprise, quelle que soit sa nature, peut « procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ».
En présence d’un prêt intragroupe, lorsque le taux d’intérêt pratiqué excède le taux fixé à l’article 39, 1-3° du CGI (taux de référence), les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent, en vertu de l’article 212, I du CGI, déduire les intérêts servis à des entreprises liées à hauteur du taux qu’elles auraient pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues (taux du marché).
Il convient, dès lors, de se questionner sur la problématique suivante : comment une entreprise emprunteuse peut-elle démontrer que le taux d’intérêt pratiqué est conforme aux taux du marché ? La preuve en la matière est-elle libre ?
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 29 décembre 2021 (CE 9e-10e ch. 29 décembre 2021 n° 441357, Société Apex Tool Group) a apporté des précisions sur les éléments de preuve que peut produire une société pour justifier de la conformité aux taux du marché du taux d’intérêt d’un prêt intragroupe.
En l’espèce, la société holding en France d’un groupe américain, spécialisé dans la fabrication d’outillage, créée pour reprendre l’activité opérationnelle du groupe en France, avait financé l’acquisition de l’intégralité des titres d’une société filiale au moyen d’un crédit-vendeur, immédiatement apporté à sa société mère américaine. La société emprunteuse avait initialement réintégré extra- comptablement dans ses résultats la fraction des intérêts relatifs à ce prêt intragroupe excédant le taux de référence visé à l’article 39, 1-3° du CGI. Estimant finalement que le taux d’intérêt pratiqué au titre de ce prêt était conforme à celui qu’elle aurait pu obtenir d’établissements ou d’organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, elle a demandé la restitution partielle des cotisations d’impôt sur les sociétés et de contributions sociales acquittées, selon elle, à tort. Le tribunal administratif de Melun ainsi que la cour administrative d’appel de Paris avaient rejeté la démonstration de la société emprunteuse.
La cour administrative d’appel de Paris avait jugé que le taux du marché s’entend du taux que les établissements ou organismes financiers indépendants auraient été susceptibles, compte tenu des caractéristiques propres de la société emprunteuse, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence (CE 11-12-2020 n° 433723). Le Conseil d’État ajoute que le profil de risque doit en principe être apprécié au regard de la situation économique et financière consolidée de l’entreprise emprunteuse et de ses filiales. De plus, il précise que : « une étude analysant le taux de pleine concurrence au sein d’un échantillon d’emprunts bancaires accordés à des sociétés ne peut être écartée au seul motif que les sociétés retenues dans l’échantillon appartiennent à des secteurs d’activités hétérogènes, dès lors que les systèmes de notation de crédit élaborés par les agences de notation visent à comparer les risques de crédit des entreprises notées après prise en compte notamment de leur secteur d’activité ».
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