L’activité de location meublée non éligible au réinvestissement
En quoi consiste l’apport cession ? Il s’agit d’apporter les titres d’une société (A) à une autre société (B) afin de bénéficier du régime de report d’imposition des plus-values tel qu’il est prévu à l’article 150-0 B Ter du Code général des impôts.
Avant la réforme initiée par l’article 18 de la troisième loi de finances rectificative pour 2012, on parlait du mécanisme de « sursis d’imposition ». En effet, l’article 150-0 B du même code, permettait au détenteur des titres d’une société, d’en faire apport, à une société tout en bénéficiant d’un sursis d’imposition au titre de la plus-value réalisée.
Evidemment, pour que ce mécanisme de report d’imposition, très favorable, soit appliqué, il doit notamment répondre aux conditions suivantes :
- La société bénéficiaire de l’apport doit être contrôlée par l’apporteur à la date de l’apport ;
- La cession des titres par la société bénéficiaire de l’apport doit intervenir après 3 ans.
Toutefois, si la cession des titres apportés intervient avant les 3 ans, le dispositif s’appliquant aux opérations d’apport réalisées depuis le 14 novembre 2012, prévoit expressément qu’il n’est pas mis fin au report d’imposition.
Cette exception est soumise à ce que le produit de la cession fait l’objet d’un réinvestissement à caractère économique à hauteur de 60 %.
Précisons que ce critère du réinvestissement, même non prévu spécifiquement par les textes législatifs, était également mis en avant sous l’empire du sursis d’imposition, pour faire échec à la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit fiscal initiée par l’administration (Conseil d’Etat du 8 octobre 2010 n°313139-Bauchart 301934-Bazire et 321361-Four).
Toute la question est alors de savoir ce qu’il convient d’entendre par réinvestissement économique. Il est clair qu’un investissement présentant un caractère purement patrimonial ne peut être regardé comme répondant à cet objectif. En conséquence, ne satisfaisaient pas au critère du réinvestissement économique l’acquisition de biens immobiliers ou de parts de SCI (Conseil d’Etat du 24 août 2011 n° 314579-Moreau).
Quid de l’acquisition de locaux meublés ? Bien que les revenus tirés de cette activité relèvent en effet des bénéfices industriels et commerciaux sur le fondement de l’article 35-I-5° bis du CGI, au regard du droit civil, la location meublée demeure une location à caractère civil. Ici, il est question d’application de la théorie de l’autonomie du droit fiscal, élaborée dans les années 1920 par un publiciste, le doyen Louis Trotabas.
Dans ce contexte, le Conseil d’Etat (3ème et 8ème chambres, 19 avril 2022, n° 442946), a jugé,
« qu’une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu’il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains ».
A ce titre, l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit (article L64 du LPF) estimant que le contribuable avait abusivement bénéficié du mécanisme du sursis d’imposition et a imposé la plus-value réalisée par ce dernier à l’occasion de l’apport des titres.
Par cette décision, le Conseil d’Etat retient l’approche utilisée pour déterminer si une opération est soumise à la TVA (article 261-D-4° b). En effet, la qualification d’investissement à caractère économique est subordonnée à l’existence d’une activité de services de type para-hôtelier complétant la location meublée, et ces services doivent être assurés par le propriétaire lui-même (et non par une société de gestion spécialisée).
Cette solution rendue en matière d’apport cession de l’ancien régime, semble transposable au régime de report d’imposition de l’article 150-0 B ter du CGI. Cependant, soulignons que dans sa doctrine BOFIP (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20, n°110) relative au mécanisme de report de l’article 150-0 B ter du CGI, l’administration précise que ne sont pas éligibles au remploi les
« activités de location d’immeubles meublés ou équipés mentionnées aux 5° et 5° bis de l’article 35 du CGI qui bien qu’assimilées fiscalement à des activités commerciales constituent des activités de gestion de son propre patrimoine immobilier ».
Autrement dit seul le réinvestissement dans une activité économique permet d’écarter l’existence d’un abus de droit fiscal en présence d’un apport cession.