Si les associés des sociétés à responsabilité illimitée répondent des dettes sociales de la société, les créanciers ne peuvent pas pour autant leur réclamer le paiement de celles-ci comme bon leur semble.
I. Nature de la responsabilité des associés selon la forme juridique
À titre de rappel, l’étendue de la responsabilité des associés à l’égard des dettes sociales d’une société dépend de sa forme juridique. Les différents types de société peuvent être regroupés en deux catégories :
• Les sociétés dites « à risque limité », comprenant les sociétés par actions(SAS, SA, SCA)
et les SARL. Dans ce cadre, le risque est restreint à la perte des apports seulement.
Autrement dit les associés ne sont tenus des dettes sociales que dans la limite du montant
de leurs apports en capital social et de leurs apports en compte courant d’associé.
• Les sociétés dites « à risque illimité », comprenant les SNC, SCS, et les sociétés civiles.
Ici, la responsabilité des associés n’est pas limitée à leurs apports. De ce fait, ils pourront être poursuivis sur leur patrimoine personnel pour payer les dettes sociales. Il convient de préciser, qu’une seconde distinction doit toutefois être opérée.
En effet, pour ce qui est des sociétés civiles, notamment les SCI, les associés sont responsables de manière indéfinie et conjointe.
Cela signifie que l’obligation de l’associé est limitée à la proportion de la dette sociale correspondant à celle de ses droits sociaux.
Quant aux SNC, la responsabilité des associés est indéfinie et solidaire.
La conséquence est la suivante :
le créancier pourra poursuivre n’importe quel associé pour la totalité de la dette. Dans cette hypothèse, il appartiendra à l’associé A qui a réglé l’intégralité de la dette, de se retourner contre l’associé B en proportion des droits sociaux qu’il détient.
Ce sont les dispositions des articles 1857 à 1860 du Code civil qui fixent le droit commun applicable en matière d’engagement des associés à l’égard des tiers. Il en résulte que la responsabilité des associés a un caractère subsidiaire qui implique des poursuites préalables et vaines contre la société.
En conséquence, le créancier de la société n’ayant pas réussi à obtenir le paiement de sa créance peut se retourner contre les associés. Dans certains cas, ces poursuites peuvent être limitées à une simple mise en demeure de payer infructueuse.
L’administration fiscale vient de commenter ces dispositions notamment en matière de prescription (BOI-REC-SOLID-20-10-10, 1er juin 2022).
II. Règles applicables en matière de prescription
A. Prescription de l’action contre les associés non-liquidateurs
En vertu de l’article 1859 du Code civil « toutes les actions contre les associés non-liquidateurs ou leurs héritiers et ayants cause se prescrivent par cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société ».
Il en résulte que la publication du jugement de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif de la société au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) constitue le point de départ de la prescription de l’action décrite. Ainsi, dès lors que la prescription de cinq ans est acquise, il n’est plus possible de mettre en cause les associés (BOI-REC-SOLID-20-10-10, 1er juin 2022, §440).
En ce qui concerne les sociétés commerciales, l’article L. 237-13 du Code de commerce, prévoit que le délai de prescription de l’action à l’égard des associés est de cinq ans à compter de la publication de la dissolution de la société au registre du commerce et des sociétés.
Néanmoins, ces dispositions ne précisent pas dans quel délai peut agir le créancier à l’égard des associés après avoir vainement poursuivi la société. La Cour de Cassation a récemment tranché la
question.
B. Point de départ de la prescription de l’action contre l’associé
À l’occasion d’un litige opposant une banque à un des associés de la société ayant souscrit un emprunt qu’elle a été défaillante à rembourser, la Cour de Cassation a aligné le point de départ de la prescription de l’action à l’encontre de l’associé sur celui de l’action à l’encontre de la société (Cour de cassation 3ème chambre civile 19 janvier 2022 n° 202205).
Elle a affirmé que le délai dont dispose le créancier de la société civile pour agir en paiement contre un associé ne commence pas à courir au moment où est constatée la vaine poursuite préalable de la société. Le créancier qui dispose de 5 ans pour recouvrer sa créance à l’encontre de la société civile, est également tenu par ce même délai à l’encontre de l’associé, et ce compte tenu du principe de subsidiarité.
Donc la haute Cour, a considéré prescrite l’action du créancier contre l’associé pour ne pas avoir agi dans le délai de 5 ans à compter de la naissance de la créance à l’encontre de la société.