L’efficacité de la clause de tontine en matière d’acquisition immobilière

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La tontine également appelée clause « d’accroissement », ou « de condition de survie », constitue une technique ancestrale de placement à long terme et de transmission de patrimoine, permettant d’acquérir en commun un bien quelconque mobilier, ou immobilier.

Elle se matérialise par une clause insérée dans l’acte d’acquisition. En effet, les parties stipulent dans l’acte que le bien acheté reviendra en pleine propriété au survivant, après le décès du coacquéreur.

Bien que cette la clause de tontine se révèle particulièrement intéressante dans le cadre d’une acquisition immobilière, il est indispensable de rappeler que l’accomplissement de l’ensemble des actes nécessite l’unanimité des acquéreurs. De ce fait, en cas de mésentente le juge ne pourra ordonner la vente du bien immobilier.

I. Conditions de fond relative à la validité de la clause de tontine

La clause de tontine étant qualifiée de contrat « aléatoire », l’opération d’acquisition doit principalement présenter :

– Un aléa vital : les acquéreurs doivent avoir une espérance de vie similaire. L’aléa fait défaut s’il existe une différence d’âge importante entre les parties, ou si l’une d’elles est atteinte d’une maladie grave.

– Un aléa économique : les acquéreurs doivent financer une partie du bien à raison d’une participation paritaire. Les parties prennent chacune le risque de perdre leur investissement.

Le non-respect de ces conditions remet en cause l’efficacité de la clause de tontine entraînant une requalification de l’opération en donation. Par conséquent, des droits de donation seront exigés par l’administration fiscale. Pour illustration, dans le cadre d’une affaire soumise au Comité de l’abus de droit fiscal (séance du 6 mai 2021, CADF/AC n° 4/2021), l’administration fiscale avait considéré que la clause insérée dans l’acte de vente du bien immobilier constituait une opération artificielle destinée à dissimuler une donation au motif qu’elle était
dépourvue du double aléa. En effet, l’acquisition du bien avait été financée uniquement par un seul époux, et il était atteint d’une longue maladie au moment de l’acquisition.

 

II. Efficacité de la clause de tontine en matière civile

En matière civile, l’un des avantages réside dans le fait que la clause de tontine évite les écueils de l’indivision. Pour rappel, dans le cadre d’une indivision chaque indivisaire possède des droits sur la totalité du bien.

D’autre part, la réserve héréditaire ne remet pas en cause l’efficacité du mécanisme. En effet, le bien n’étant pas inclut dans le patrimoine du défunt, les héritiers n’ont aucun droit sur le bien. Ces derniers ne pourront donc agir en réduction et obtenir la réintégration du bien dans le patrimoine du défunt.

Pareillement, la tontine permet de rendre le bien insaisissable à l’égard des créanciers de chacun des acquéreurs de leur vivant. La condition suspensive de survie n’étant pas réalisée, le bien ne figure pas dans le patrimoine de l’un d’eux et il est donc insaisissable (Civ. 1ère, 18 nov. 1997, n°95-20842).

 

III. Efficacité de la clause de tontine en matière fiscale

Le transfert de propriété résultant du décès est soumis aux droits de succession selon le régime de droit commun, c’est-à-dire d’après le lien de parenté entre le défunt et le ou les bénéficiaires de la clause de tontine et sur la valeur de la part reçue par chacun d’eux (article 754 A, alinéa 1 du CGI).

A ce titre, le conjoint survivant ou le partenaire de PACS est exonéré de droit de succession. Toutefois, dans le cadre d’un concubinage, le concubin survivant est soumis aux droits de succession au taux de 60 %, après application d’un abattement de 1 594 euros, sauf pour les immeubles affectés à l’habitation principale commune à deux acquéreurs lorsque l’immeuble a une valeur inférieure à 76 000 euros au
moment du premier décès. Dans ce cas, la part transmise au survivant relève du droit de vente d’immeubles (environ 5%), sauf option du survivant pour le paiement des droits de succession (article 754 A, alinéa 2 du CGI).

Toutefois, pour échapper aux droits de mutations à titre gratuit, il est possible d’insérer la clause de tontine dans les statuts d’une société (exemple une SCI), laquelle acquiert le bien immobilier. A ce titre, la clause stipule que, au décès d’un associé, le ou les associés survivants deviendront rétroactivement propriétaires des titres du défunt. Au décès de l’associé, seuls sont dus les droits de mutation à titre onéreux (BOI-ENR-DMTG-10-10-10-10 n° 280).

Il reste indispensable que le schéma ne soit pas mis en place en poursuivant un motif exclusivement ou principalement fiscal. Par conséquent, il est utile d’inclure un troisième associé ou de prévoir la détention par chacun des associés des titres hors tontine.

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