Mise en société d’une entreprise individuelle : mécanisme et fiscalité applicable

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L’entreprise individuelle se caractérisant par un allègement des obligations fiscales et comptables, l’exercice d’une activité commerciale, artisanale ou industrielle sous cette forme, offre une certaine souplesse à l’entrepreneur. Cependant, une fois que l’activité de l’entreprise devient substantielle, de nombreux entrepreneurs décident d’opter pour une exploitation sous forme sociétaire.

A ce titre, l’entrepreneur aura la possibilité de choisir entre deux mécanismes distincts :

– la cession de l’entreprise individuelle à la future société ;

– l’apport de l’entreprise individuelle au profit de la future société.

Dans le cadre de cette opération, appelée communément « mise en société », la société constituée accueillera les actifs de l’entreprise individuelle existante et ayant atteint un certain développement.
Ici, nous présenterons le mécanisme de l’apport de l’entreprise individuelle, qui soulève des questions pratiques en matière fiscale. En effet, cette opération nécessite d’établir un inventaire précis des incidences fiscales applicables, notamment lors de la réalisation de l’opération d’apport.

I. Mécanisme de l’apport en nature de l’entreprise individuelle

Dans ce contexte, l’entrepreneur crée une société et apporte au capital de celle-ci les actifs de l’entreprise individuelle. Le fonds de commerce (ou artisanal) étant apporté à la société dès sa création, il constituera son objet social. En conséquence, l’entrepreneur individuel devra procéder aux formalités de radiation auprès du Registre du commerce et des sociétés.

L’opération se traduisant par un apport en nature, il convient d’en distinguer deux
sortes :

– les apports purs et simples : ils sont effectués en échange de titres de la société bénéficiaire (parts sociales ou actions selon la forme juridique adoptée) ;

– les apports à titre onéreux : ils sont rémunérés soit par des obligations ou des espèces, soit par la prise en charge du passif de l’entreprise individuelle par la société bénéficiaire.

Concernant la répartition du capital dans cette nouvelle société, il convient de préciser que celle-ci n’est pas libre. En effet, la valeur de l’apport en nature influe directement sur le montant total du capital social et sur le pourcentage du capital détenu par l’apporteur. Pour cette raison, l’intervention d’un commissaire aux apports pour leur évaluation peut s’avérer obligatoire.

En début d’activité de la société, la valeur du fonds de commerce composant les actifs de l’entreprise individuelle apportée, est comptabilisée dans le compte capital situé au passif du bilan et en contrepartie, une immobilisation est inscrite à l’actif du bilan.

II. Conséquences fiscales de la mise en société par apport en nature

A. Imposition des bénéfices et plus-values de l’entreprise individuelle

L’administration fiscale permet d’opérer un choix, sous certaines conditions entre le régime de droit commun et un régime optionnel permettant l’exonération provisoire des plus-values d’apport et des profits sur stocks.

1. Application du régime de droit commun

L’apport en société étant assimilé à une cession de l’entreprise, l’opération déclenche en principe l’imposition immédiate au nom de l’ancien exploitant :

– des bénéfices d’exploitation non encore taxés ;

– des plus-values latentes de l’actif immobilisé ;

– et, le cas échéant, des bénéfices et plus-values en sursis d’imposition notamment les plus-values à court terme en cours d’étalement.

Bien que le montant des impositions dues dans le cadre de ce régime est identique en cas d’apport à une société de personnes ou à une société de capitaux, le coût fiscal réel de l’opération peut varier en fonction des paramètres suivants :

– Consistance de l’actif apporté et importance relative des plus-values afférentes, respectivement, aux éléments amortissables et aux éléments non amortissables ;

– Durée d’utilisation restante des éléments amortissables apportés ;

– Montant des recettes annuelles de l’entreprise individuelle ;

– Existence d’un déficit d’exploitation fiscalement déductible.

Ici, il convient de préciser que le dispositif d’exonération de l’article 238 quindecies du Code général des impôts (CGI) n’est pas applicable dès lors que l’apporteur exerce, en droit ou en fait, la direction effective de la société bénéficiaire.

2. Application du régime optionnel de report d’imposition

Le dispositif de l’article 151 octies du CGI, sous réserve du respect de certaines conditions, permet notamment à l’apporteur d’éviter l’imposition des plus-values dégagées sur les éléments amortissables et de différer la taxation des plus-values
afférentes aux éléments non amortissables jusqu’à la cession, le rachat ou l’annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport ou la cession, par la société, des biens apportés.

Pour bénéficier de ce report d’imposition, l’apport peut être effectué en faveur de toute société nouvelle, quelle que soit sa forme juridique, à condition qu’elle soit soumise à un régime réel d’imposition.

L’apporteur et la société doivent, conjointement, exercer l’option pour le régime spécial dans l’acte d’apport ou de constitution de la société. À défaut, la plus-value est immédiatement taxable (CE 18-5-2009 n° 298039).

A titre d’exemple, peuvent bénéficier du régime optionnel, l’apport par des avocats de la clientèle exploitée dans le cadre d’une association (CE 2-6-2010 n° 306292).

B. Exonération des droits d’enregistrements sous conditions

La mise en société d’une entreprise individuelle est enregistrée gratuitement dans deux hypothèses distinctes :

– Si l’opération est réalisée lors de la constitution de la société et, si la société nouvelle est passible de l’impôt sur les sociétés (IS), à condition que l’apporteur s’engage à conserver pendant au moins trois ans les titres reçus en contrepartie de son apport ;

– Si l’apport pur et simple rémunéré par l’attribution de titres à une société nouvelle non passible de l’IS sans condition d’engagement sur la durée de détention des titres.

En amont de la réalisation de l’apport, il conviendra également de dresser un inventaire précis des incidences fiscales en cas de cession ou de donation ultérieure des titres de la société nouvelle.

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