La Société Civile de Construction-Vente (SCCV) émerge comme une entité juridique singulière, inscrivant son fonctionnement dans le respect du droit civil commun et du Code de la Construction et de l’Habitation. À la croisée de ces deux référentiels juridiques, la SCCV se distingue par son objet social spécifique, focalisé sur la construction en vue de la vente. Cette orientation particulière souligne l’importance d’appréhender tant les droits que les obligations des associés au sein de cette structure, faisant émerger des enjeux cruciaux dans le domaine de l’immobilier.
Dans quelle mesure la SCCV, en conjuguant les normes du droit civil commun et les impératifs du Code de la Construction et de l’Habitation, parvient-elle à harmoniser les intérêts des associés tout en préservant la dynamique économique de la construction en vue de la vente ?
Pour répondre à cette problématique, notre analyse se déploiera en deux axes majeurs. Dans un premier temps, nous clarifierons le concept de société civile de construction vente en mettant en lumière ses spécificités notamment son objet social précis. Ensuite, dans une seconde partie, nous exposerons les droits et obligations des associés au sein de la SCCV mettant en évidence les mécanismes juridiques qui encadrent leurs actions, notamment l’obligation cruciale de répondre aux appels de fonds, condition sine qua non à la préservation de leurs titres.
La société civile construction vente : une société civile ou commerciale ?
Dans un premier temps, il serait intéressant de se poser la question de la qualification juridique d’une SCCV à la vue de son objet social bien précis défini par l’article L211-1 du code de la construction et de l’habitation à savoir la construction d’un ou plusieurs immeubles destinés à être vendus : « Les sociétés civiles dont l’objet est de construire un ou plusieurs immeubles en vue de leur vente en totalité ou par fractions ». A cet objet social peut être rajouté tout acte nécessaire à l’accomplissement de ce dernier. La destination de la construction est par ailleurs indifférente à la qualification de SCCV tant que l’objet social est respecté (destination commerciale, professionnelle, habitation, etc).
Dans un second temps, il n’est pas inutile de rappeler que la SCCV est une société civile au regard de l’article 1845 du code civil entrainant le respect des formalités de constitution du droit commun auxquelles s’ajoutent parfois des formalités de publicités particulières selon les cas. Ainsi, le respect des conditions de validités des sociétés civiles s’applique à savoir le consentement, la capacité et la pluralité des associés, l’objet certain, la cause licite, apports, la recherche de bénéfices et la contribution aux pertes, affectio societatis, rédaction d’un écrit. La contribution aux pertes et plus précisément le remboursement du passif social par les associés sera traité lors de notre analyse.
Cela étant dit, son objet social étant dans le but de vendre un immeuble, on peut se demander si cette société civile n’est pas en réalité une société commerciale eu égard au vocable « vente » ? L’article L110-1 du code de commerce répond à cette problématique : « La loi répute actes de commerce : Tout achat de biens immeubles aux fins de les revendre, à moins que l’acquéreur n’ait agi en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ». Afin de consolider cet article, il semble judicieux de citer la Cour de cassation qui a retenu qu’une SCI « ayant été constituée en vue
d’acquérir un terrain et y édifier des immeubles en vue de leur vente,
n’effectue pas des actes de commerce et n’a pas la qualité de commerçante ».
Néanmoins, l’administration fiscale reconnaît la possibilité pour ces sociétés d’effectuer des opérations de transformation ou de rénovation d’immeubles anciens. Une SCCV a donc la latitude d’entreprendre des actions qui ne sont pas directement liées à la construction et à la vente d’immeubles, pour autant que ces activités restent accessoires à l’activité principale et ne revêtent pas un caractère commercial intrinsèque.
Cependant, ou placer le curseur de ce qui est annexe ou non ? Peut-on définir une activité de commerciale lorsqu’un terrain est donné à bail pour une courte durée lorsque des locaux sont invendus et ceci dans l’intérêt de la société afin que l’objet social puisse être préservé ? Dans ce cas précis, la jurisprudence a considéré que ces baux n’étaient pas des actes commerciaux.
Une réflexion peut être envisagée sur les limites de ce qui peut être entrepris par la SCCV sans qu’elle ne soit inquiétée d’une requalification en actes commerciaux.
Reste alors à évoquer les associés d’une SCCV qui disposent de droits et obligations notamment l’impératif essentiel de répondre aux appels de fonds, condition sine qua non à la préservation de leurs titres
Les associés d’une SCCV : droits et obligations
Etant une société civile par nature, les associés disposent des mêmes droits que tout associé d’une société civile de droit commun savoir le droit aux bénéfices, le droit de participation et de vote, le droit à l’information, le droit au remboursement de leur apports et éventuellement le droit au boni de liquidation. Concernant le droit aux bénéfices, en application de l’article 1844-1 du Code civil, la distribution des bénéfices se fait en proportion de la part de chacun dans le capital social. Or, en règle générale, pour une société SCCV, la distribution n’a pas lieu tant que des crédits sont en cours et cette dernière n’a lieu qu’avant la liquidation.
Il est intéressant d’énoncer une distinction entre la société d’attribution et la société SCCV quant aux droits des associés. En effet, dans le cadre d’une société d’attribution, la construction peut être attribuée aux associés alors que dans le fonctionnement d’une SCCV, en application de l’objet social, les apports des associés ne peuvent donner droit à l’attribution en tout ou partie des immeubles construits par la société selon l’article L211-1 du code de la construction et de l’habitation. Nuance toutefois, l’acquisition reste possible par l’un des associés si ce dernier paie le prix réel du bien.
Concernant les obligations qui incombent aux associés d’une SCCV, figure l’obligation du remboursement du passif social à proportion des droits sociaux de chacun lorsque la société ne peut honorer ses engagements financiers. Ce principe découle de la nature d’une SCCV à savoir une société civile. Cette obligation subsiste alors même si les associés ont cédé leurs parts et ce du fait de l’engagement pris par la société alors qu’ils étaient encore associés. L’associé sera tenu également responsable même si l’exigibilité de la dette est postérieure à son retrait. Il serait alors intéressant pour l’associé cédant de déroger à cette obligation par voie conventionnelle avec le cessionnaire afin d’éviter cette responsabilité postérieurement à la cession. A noter toutefois, que les créanciers de la société ne pourront poursuivre les associés qu’une fois la société mise en demeure et dont la mise en demeure est restée infructueuse.
De plus, selon les articles 1642-1 et 1646-1 du Code civil, les associés restent également tenus responsables des vices de construction ou de défauts de conformité alors apparents ainsi que des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont eux-mêmes tenus.
Une dernière obligation que nous citerons et pas des moindres incombe aux associés d’une SCCV. Selon l’article L211-3 du Code de la construction et de l’habitation, chaque associé est « tenu de satisfaire aux appels de fonds nécessaires à l’accomplissement de l’objet social dans les proportions prévues à l’article L. 211-2, pour autant que ces appels de fonds sont indispensables à l’exécution de contrats de vente à terme ou en l’état futur d’achèvement déjà conclus ou à l’achèvement de programmes dont la réalisation, déjà commencée, n’est pas susceptible de division. Si un associé n’a pas satisfait à ses obligations, ses droits pourront, un mois après mise en demeure restée infructueuse, être mis en vente publique à la requête des représentants de la société par une décision de l’assemblée générale fixant la mise à prix ».
Il n’est également pas possible de déroger à cette obligation conventionnellement cette dernière devant être mentionnée dans les statuts ainsi que les risques encourus par les associés en cas de non-respect. Une grande responsabilité financière incombe alors à l’associé qui peut se voir exclu de la société par les autres associés s’il ne fait pas cet effort financier. Bien que l’exigence d’un capital social minimum ne soit pas imposée dans ce genre de société, ce qui peut faciliter alors l’implication des associés, cette obligation n’est pas négligeable et vient nuancer considérablement la non-exigence d’un capital social minimal. Les fonds générés par cette cession seront alloués en priorité au règlement des dettes de l’associé. Cette vente, loin d’être simplement un mécanisme de recouvrement des sommes dues à la société, représente également une sanction en réponse à la non-exécution des engagements contractés par l’associé envers ses coassociés et la société. L’associé ayant quitté la société n’est ainsi pas en mesure d’invoquer un quelconque droit de créance à l’égard de l’entité, indépendamment du fait que le bilan de l’opération immobilière ait pu s’avérer positif pour donner suite à la cession de ses parts. Cette « punition » de l’associé défaillant peut se comprendre car jusqu’à la vente des parts de l’associé, la collectivité des associés doit continuer de répondre aux appels de fonds en lieu et place de cet associé et ce au prorata de leurs droits sociaux.
En conclusion, la Société Civile de Construction-Vente (SCCV) apparaît comme une structure complexe, positionnée à la convergence du droit civil commun et du Code de la Construction et de l’Habitation. Notre analyse a révélé que malgré son objet social axé sur la construction en vue de la vente, la qualification juridique de la SCCV demeure civile, soumise aux formalités de constitution du droit commun.
La question fondamentale de la distinction entre actes civils et commerciaux a été abordée, mettant en lumière la latitude accordée à la SCCV pour entreprendre des actions accessoires, sans pour autant compromettre son caractère civil. Cependant, la délimitation de ce qui peut être considéré comme accessoire demeure un défi.
Dans le volet des droits et obligations des associés, notre analyse a souligné la spécificité des droits accordés, tels que le droit aux bénéfices et de participation, tout en insistant sur l’obligation cruciale de répondre aux appels de fonds. Cette obligation, au-delà d’un simple impératif financier, revêt une dimension essentielle pour la préservation des titres des associés.
Par ailleurs, les obligations des associés en matière de vices de construction et de défauts de conformité ont été exposées, soulignant leur responsabilité envers les tiers liés au projet immobilier.
Enfin, la conclusion de notre analyse a mis en évidence la sévérité réservée à l’associé défaillant, notamment par la vente de ses parts, en réaction à la non-exécution de ses engagements envers la société et ses coassociés.
Ainsi, la SCCV se présente comme une entité délicate, où la conciliation des droits et obligations des associés avec les impératifs légaux demeure un enjeu essentiel pour préserver l’équilibre financier et l’harmonie au sein de cette structure singulière.