La transmission d’un bien ou droit en trust est un sujet qui soulève de nombreuses questions. Lorsqu’un constituant décide de placer des biens ou droits dans un trust, une entité juridique distincte est créée.
Cette pratique soulève des interrogations sur les implications en termes de propriété, de fiscalité et de droits de mutation.
Il est par conséquent nécessaire d’analyser les implications concrètes de la mise en place d’un trust sur un bien français, les règles fiscales applicables en fonction de la qualification juridique de la transmission (donation, succession), ainsi que les cas de transmissions successives d’un bien via un trust.
- Définition d’un trust et procédure de mise en trust
- Définition du trust
Selon l’article 792-0 bis I. 1. du Code général des impôts, « on entend par trust l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un État autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé ».
En d’autres terme, le trust est une opération juridique par laquelle une entité légale ou physique (désignée sous le terme de « settlor« ), effectue un transfert d’actifs à l’attention d’une autre personne, (appelée le « trustee« ), qui se verra confier la responsabilité de leur administration pour le compte et au nom de bénéficiaires déterminés tels que l’épouse, les enfants, les associations …
Notons que le trust ne constitue en aucun cas une entité sociétale.
B. Mise en trust d’un bien français
Lorsqu’un bien français est mis en trust, il devient nécessaire de déterminer si cela constitue une mutation imposable en France ou non.
- Dans le cas d’un trust révocable, il est généralement admis que le bien n’a pas réellement quitté le patrimoine du constituant, qui reste le véritable propriétaire. Par conséquent, il n’y aurait pas de transfert de propriété ni de droit de mutation.
- Lorsque le trust est irrévocable, la situation devient délicate du fait que le constituant n’a plus la propriété du bien, car celle-ci a été transférée au trustee.
Par ailleurs, pour considérer que le trustee est le véritable propriétaire des biens, l’administration pourrait appliquer la théorie de la propriété apparente et, ainsi imposer une taxe sur la mutation lors de la constitution du trust. En effet, il a été souligné que, étant donné que le trust n’est pas doté de la personnalité morale, les biens qui lui sont apportés font partie du patrimoine du constituant du trust ou du trustee, en appliquant les principes de la théorie de la propriété apparente ainsi que la règle établie par l’article 2276 du Code civil.
Toutefois, étant donné qu’il n’y a pas de prix payé par le trustee et qu’il ne s’agit pas véritablement d’une donation, il est difficile, dans cette situation, de mettre en application les droits de mutation.
2. Transmission d’un bien ou droit mis en trust
La problématique des transmissions effectuées par le biais de trusts est désormais réglée par les dispositions spécifiques adoptées en 2011 (CGI art. 750 ter, 752 et 792-0 bis ; LPF art. L 19). Ces dispositions sont applicables aux donations consenties et aux décès survenus depuis le 30 juillet 2011. Ici, la loi ne suppose pas que le constituant et/ou les bénéficiaires détiennent, des droits qui devraient être imposés en tant que tels, au sein des trusts. En revanche, elle considère les biens ou droits eux-mêmes, placés en trust, en adoptant une approche de transparence, selon laquelle ils ne sont pas véritablement sortis du patrimoine du constituant, quelle que soit les termes et conditions de l’acte de trust.
- Les règles de territorialité
Que les transmissions soient ou non susceptibles d’être qualifiées de donation ou de succession, les règles de territorialité suivent les principes traditionnellement retenus en ce qui concerne les droits de mutation à titre gratuit.
L’article 750 ter du CGI, qui pose les principes de territorialité des droits de mutation à titre gratuit, inclut, en effet, les biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis du CGI et les produits qui y sont capitalisés :
L’article 750 ter du CGI, énonce également les biens ou droits composant un trust défini à l’article 792-0 bis du CGI, ainsi que les produits qui y sont capitalisés :
- Parmi les biens meubles et immeubles situés ou non en France, ils sont imposables lorsque le donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B (CGI art. 750 ter, 1°).
- Parmi les biens meubles et immeubles imposables lorsque le donateur ou le défunt n’a pas son domicile fiscal en France et que ces biens ou droits sont situés en France (CGI art. 750 ter, 2°).
- Parmi les biens meubles et immeubles situés ou non en France, soumis à imposition lorsqu’ils sont reçus par l’héritier, le donataire, le légataire ou le bénéficiaire d’un trust domicilié fiscalement en France, à condition que ledit bénéficiaire ait établi son domicile fiscal en France pendant au moins six années au cours des dix dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens.
Par conséquent, il est possible que les droits de mutation soient applicables en raison de la résidence fiscale en France du bénéficiaire d’un trust, même si ce dernier ne peut être qualifié juridiquement d’héritier, de donataire ou de légataire. Les règles d’imposition des actifs détenus dans les trusts ou transmis peuvent donc s’appliquer même lorsque les modalités de transmission ne permettent pas d’assimiler cela à une donation ou à une succession. Il convient de noter que ces règles sont soumises aux dispositions des conventions fiscales internationales en vigueur.
B. Cas des transmissions qualifiées de donation ou de succession
Lorsque les transmissions à titre gratuit effectuées par le biais d’un trust peuvent être qualifiées de donation ou de succession, elles sont soumises aux droits de mutation correspondants, en fonction du lien de parenté liant le constituant et le bénéficiaire (cette précision constitue une « confirmation« , telle que mentionnée dans l’arrêt du 6 janvier 2021 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation). Cette règle s’applique aux biens, aux droits, ainsi qu’aux produits capitalisés dans un trust et transmis par le biais d’une donation ou d’une succession.
C’est dans cette optique que l’article 792-0 bis, II-1 du CGI précise que la transmission (par donation ou succession) de biens ou de droits placés dans un trust, ainsi que des produits qui y sont capitalisés, est soumise aux droits de mutation à titre gratuit. La valeur vénale nette des biens, droits ou produits concernés à la date de la transmission détermine le montant des droits à payer, en fonction du lien de parenté entre le constituant et le bénéficiaire.
Cette disposition est une application du droit commun des mutations aux trusts et vise à s’appliquer lorsque la donation ou la succession peut être établie de manière claire, selon le Rapport Marini.
Toutefois, la portée exacte de cette règle n’est pas très claire ; mais selon la jurisprudence actuelle, elle semble susceptible de s’appliquer dans les situations suivantes :
- Lorsque les biens sortent du trust pour être attribués aux bénéficiaires, que ce soit par une succession ou une donation indirecte, au décès du constituant, ou par une donation pendant la vie du trust, alors que le constituant est encore en vie.
- Lorsque les biens demeurent dans le trust et que ce dernier n’est pas résilié au décès du constituant, si ce dernier n’a pas, en réalité, renoncé à ses biens, même si le trust est qualifié d’irrévocable et discrétionnaire. Par ailleurs dans les autres cas, c’est-à-dire lorsque le trust est irrévocable et discrétionnaire et qu’il y a eu un réel dessaisissement de la part du constituant, les droits de mutation sui generis s’appliquent.
C. Cas des transmissions inqualifiables de succession ou de donation
Lorsque les transmissions réalisées par le biais d’un trust ne peuvent être qualifiées de donation ou succession, et par conséquent ne peuvent être soumises aux droits de mutation à titre gratuit selon les règles de droit commun, la loi établit une règle spécifique de taxation aux droits de mutation par décès. Cette règle s’applique au décès du constituant, que les biens, droits ou produits capitalisés soient transmis au décès du constituant ou à une date ultérieure.
De plus, elle n’affecte pas la qualification de la transmission au décès ou à une date ultérieure, et dont les modalités dépendent de la part revenant aux bénéficiaires actuels ou futurs du trust.
D. CAS DES TRANSMISSIONS SUCCESSIVES
La législation vise à intégrer les transmissions successives effectuées par le biais de trusts. À cette fin, il est précisé que le bénéficiaire est considéré comme un constituant du trust pour l’application des règles de transmission, que ces transmissions soient qualifiées de donation ou de succession ou non.
Cela concerne les biens, droits et produits capitalisés placés dans un trust dont le constituant est décédé au 31 juillet 2011, ainsi que ceux qui sont imposés selon les conditions prévues à cet effet, ainsi que leurs produits capitalisés (article 792-0 bis, II-3 du CGI).
Enfin la loi définit un « constituant fiscal » distinct du constituant initial afin de permettre l’application des droits de mutation au fur et à mesure des transmissions successives.
Le bénéficiaire d’un trust dont le constituant initial est décédé est considéré comme un « nouveau » constituant. Par conséquent, si les biens et droits demeurent dans le trust de génération en génération, la taxation est effectuée selon les mêmes modalités pour les bénéficiaires successifs.