Le traitement fiscal de la clause de préciput 

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La signature d’un contrat de mariage confère la possibilité de choisir le régime matrimonial qui gouvernera les règles relatives aux biens des conjoints tout au long de leur mariage et lors de sa dissolution. Parmi les principaux contrats de mariage figurent la séparation de biens, la participation aux acquêts, et la communauté universelle. 

Dans ce contexte, la stipulation de parts inégales, la communauté universelle avec attribution intégrale en propriété de la communauté au survivant, et la clause de préciput, constituent des clauses en faveur du conjoint survivant, susceptibles de présenter des implications fiscales. 

Sur le plan fiscal, la clause de préciput considérée comme un avantage matrimonial et non une donation, mérite une attention particulière dans la mesure où elle n’est pas traitée uniformément par tous les services des impôts. En effet, ce dispositif nécessitant une mise en place spécifique offre différents avantages. 

 

I. Définition et intérêt de la mise en place d’une clause de préciput 

 

La clause de préciput telle que définie par l’article 1515 du Code civil, constitue une convention par laquelle les époux stipulent qu’au décès du premier d’entre eux, le conjoint survivant pourra prélever certains biens dans le patrimoine commun, et ce avant tout partage. Ce prélèvement peut prendre différentes formes incluant :  

  • soit une certaine somme ;  
  • soit certains biens en nature : il peut s’agir d’un bien immobilier tel que la résidence principale en pleine propriété ; 
  • soit une certaine quantité d’une espèce déterminée de biens tel que les droits sociaux d’une société. 

Autorisant un prélèvement sans indemnité, le préciput procure un avantage significatif à l’époux bénéficiaire et se distingue donc de la clause de prélèvement. L’objet du préciput étant défini de façon souple, il peut porter sur l’usufruit ou la nue-propriété des biens. Il convient de noter que la clause de préciput est valable que sur des biens communs aux époux.  

La clause de préciput offre diverses applications pratiques. En effet, elle constitue un moyen efficace de renforcer les droits du conjoint survivant. Le préciput peut être judicieusement utilisé pour prévenir une situation d’indivision successorale sur des biens communs sensibles tels que des titres de participation, un fonds de commerce. 

La question de savoir si le conjoint survivant est redevable ou non d’un droit de partage au taux de 2,5 % sur la valeur nette recueillie en application de la clause de préciput n’est à ce jour pas tranchée. 

 

II. Application ou exonération du droit de partage au taux de 2,5%  

 

Fiscalement, le préciput est en principe exempt du droit de partage au taux de 2,5% sur l’actif concerné, dans la mesure où ce droit n’est exigible qu’en présence d’une véritable opération de partage par des attributions privatives. Cependant, l’article 515 précité, précise que le préciput s’exerce « avant tout partage ». 

Selon l’administration fiscale, le prélèvement aurait lieu avant le partage de la succession, mais pas avant celui de la communauté. Elle soutient que le préciput contribue à réaliser le partage de la communauté en soustrayant les valeurs prélevées à l’indivision post-communautaire. Ainsi, la taxation résulterait des dispositions de l’article 746 du Code général des impôts (CGI). Certains services des impôts appliquent le droit de partage sur la valeur nette des biens prélevés, tandis que d’autres les exonèrent de toute fiscalité. 

Un arrêt de la Cour d’appel (CA Poitiers 4-7-2023) et un jugement du tribunal judiciaire de Lille (TJ Lille 4-4-2022), concluent à l’inverse que l’exercice de la clause de préciput ne peut pas être soumis au droit de partage, le prélèvement au profit du conjoint survivant ne s’analysant pas comme une véritable opération de partage donnant lieu à un allotissement entre plusieurs partageants. 

En attendant que la Cour de cassation tranche ce débat, il est avisé d’informer le conjoint survivant sur le risque de taxation liée à l’exercice d’une clause de préciput. La loi de finances pour 2024 n’a introduit aucune modification à l’article 746 du CGI. 

 

 

ECP

 

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