L’abus de biens sociaux dans le cadre des groupes de sociétés

Barre

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Le fonctionnement complexe d’un groupe de sociétés crée un environnement propice au développement d’une diversité de transactions et d’interactions entre les entités qui le composent. Cependant, cette complexité peut également ouvrir la porte à des pratiques déviantes, dont l’abus de biens sociaux.  

L’abus de bien sociaux défini par les articles L241-3 4° et L242-6 3° du Code de commerce consiste dans le fait, pour certains dirigeants de sociétés commerciales, de faire, de mauvaise foi, des biens de la société un usage qu’ils savent contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement. 

 

I) Critères nécessaires à la qualification de l’abus de biens sociaux 

 

Le délit d’abus de biens sociaux implique un usage des biens de la société contraire à l’intérêt de celle-ci. Ici, biens sociaux doivent être interprétés dans un sens  large, englobant tous les biens dont la société est propriétaire, qu’ils soient corporels ou incorporels, mobiliers ou immobiliers. La notion d’usage peut résulter d’un acte positif ou d’une abstention. 

La question de savoir si une action est contraire à l’intérêt social a été le sujet de controverses. Il est évident que cette condition est remplie dès lors que le dirigeant agit dans son propre intérêt. Sur ce point, la jurisprudence a établi que l’usage des biens ou du crédit de la société est contraire à ses intérêts lorsque : 

  • le dirigeant expose la société à un risque de perte (Cass. Crim., 8 déc. 1971) ; 
  • le dirigeant expose la société à un risque anormal de poursuites pénales ou fiscales (Cass. Crim., 17 déc. 2015). 

De manière générale, l’utilisation des biens de la société est considérée comme abusive lorsqu’elle est effectuée dans un but illicite. 

Aussi, il est nécessaire que le dirigeant ait agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement. 

Le dirigeant doit, en outre, avoir agi de mauvaise foi. Cela signifie qu’il doit avoir conscience que cet usage est contraire à l’intérêt de la société.  

 

II) Application des critères dans le cadre d’un groupe de sociétés 

 

Les repreneurs d’une société cible dans laquelle ils exercent des fonctions d’administration ou de direction peuvent être considérés coupables d’abus de biens sociaux lorsque des actifs de cette société sont indûment transférés à la société holding qu’ils contrôlent. 

 

Dans le cadre d’un groupe de sociétés, la Cour de cassation a été amenée à considérer que l’appréciation des faits constituant le délit d’abus des biens et du crédit pouvait être différente de celle retenue en présence de sociétés indépendantes (Cass. crim. 4-2-1985 ; Cass. Crim 20-03-2007). Cependant, elle exige  le respect des conditions suivantes : 

  • les deux sociétés doivent appartenir au même groupe ; 
  • l’opération doit être motivée par un intérêt économique, social ou financier commun, évalué au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe ; 
  • le concours financier ne doit pas être dépourvu de contrepartie pour la société qui le fournit, ni excéder ses possibilités financières. 

 

Peuvent être condamnées pour abus de biens sociaux tant les personnes physiques que les personnes morales dirigeantes. Il convient de rappeler que le délit d’abus de biens sociaux est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 375 000 euros. 

 

ECP

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