La cession du contrôle d’une société

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I) Notion de prise de contrôle  

 

La prise de contrôle d’une société résulte de l’obtention directe ou indirecte d’un nombre suffisamment élevé d’actions ou de parts sociales permettant ce contrôle et conférant ainsi le pouvoir de contrôler les activités et décisions de la société cible. Contrairement au mécanisme de la fusion, lorsqu’une société prend le contrôle d’une autre, la prise de contrôle n’entraine aucune disparition par absorption mais préserve en revanche l’individualité de chacune des structures. Par conséquence, une prise de contrôle relie à minima deux entités formant ainsi un groupe de société. Concernant la règlementation applicable en la matière, ce sont les règles générales de la vente qui s’appliquent avec cependant l’application de mesures ponctuelles de la part du gouvernement afin d’éviter tout abus de droit. En revanche, lorsque certaines sociétés spécifiques sont concernées, la règlementation applicable peut varier (prise de contrôle d’une société de grande taille soumise à un accord préalable imposé par la règlementation française (1) et le droit européen ; prise de contrôle d’un secteur sensible par un étranger ou un non-résident, soumise à une autorisation du ministre de l’Economie sous peine de la nullité de la cession et application de sanctions administratives et pénales ; prise de contrôle d’une société du secteur public subordonnée à une autorisation législative, par décret ou par le ministre de l’économie, …   

 

II) Légitimité de la promesse de porte-fort 

 

Lorsqu’une prise de contrôle est en cours de négociation, souvent, c’est l’associé majoritaire de la société cible qui prend l’initiative des négociations. Afin d’être convaincant, l’associé majoritaire peut s’engager à ce que ses co-associés acceptent la cession de leurs parts ou actions. Cette promesse porte le nom de promesse de porte-fort (2). Cependant, quant – est il si l’associé dont les titres ont été promis refuse de les céder ? (3). Le bénéficiaire de la promesse ne pourra alors dans ce cas imposer le respect de la promesse par le cédant mais recevra en compensation du préjudice subi des dommages et intérêts du fait de l’engagement de la responsabilité de l’associé majoritaire. (4). La responsabilité du promettant est engagée du seul fait que le résultat promis n’a pas été atteint, sans qu’il soit besoin d’établir qu’il a commis une faute (5). En revanche, si l’associé détenteur des titres promis ratifie expressément ou tacitement (6) l’engagement pris par l’associé majoritaire, celui-ci est alors libéré de sa promesse (7) et sa responsabilité ne pourra être engagé sur le cédant change d’avis. Le cédant est alors considéré comme partie à la cession de façon rétroactive à compter de la date de la promesse (8).  

La cession des titres ayant été décidées, le cédant peut être tenu du respect d’une clause de non-concurrence.  

 

III) Le respect d’une clause de non-concurrence exigé par le cessionnaire  

 

Une prise de contrôle peut être subordonnée au respect d’une clause de non-concurrence. Bien évidemment, cette clause devra être proportionnée à l’objet du contrat, à la protection des intérêts légitimes en cause et limitée dans le temps et l’espace. Ainsi, n’est pas déloyal par exemple un cédant qui s’est seulement engagé à ne pas créer ou exploiter un fonds de commerce concurrent y compris à titre d’associé mais qui devient en revanche salarié d’une entreprise exerçant la même activité (9). Le cédant ayant pris un engagement de non-concurrence est tenu dans les limites de cet engagement et la violation de cette clause sera appréciée eu égard seulement à l’activité effectivement exercée et non au regard de l’objet social mentionné. Enfin, en cas de non-respect d’une clause de concurrence le fautif s’engage à verser à l’acquéreur une indemnité ou des dommages et intérêts en justice (11).  

 

IV) Garantie du passif par le cédant  

 

Le cessionnaire faisant son entrée dans une société dont il ignore à première vue la situation financière peut demander une garantie du passif au cédant pour avoir une certitude sur l’exactitude des renseignements du patrimoine de la société (engagements importants contractés à l’égard des tiers, la situation au regard de la règlementation (permis et autorisations), l’exactitude du bilan ou de la situation comptable ayant servi de base à la détermination du prix de cession…). Cette garantie doit être expresse et rédigée avec soin car c’est uniquement en fonction de son contenu qu’est appréciée l’étendue de l’engagement pris par le cédant. En effet, le cessionnaire peut demander un engagement quant à la prise en charge des dettes qui ne figurent pas sur le bilan et qui pourraient se révéler postérieurement à la cession. En cas de non-respect de cette garantie, une indemnité pourra être versée au regard du préjudice subi. De façon complémentaire, une action fondée sur la garantie légale ou sur le vice pourra être actionnée.  

 

V) Avantages et inconvénients  

 

Le mécanisme de la prise de contrôle d’une société permet en premier lieu la préservation des activités de chacune des structures. De plus, en termes de temps, la prise de contrôle peut être opérée rapidement contrairement à la fusion nécessitant des formalités nombreuses, complexes et couteuses. Le cédant pourra également transmettre son expérience et ses compétences à l’acquéreur de titre notamment en passant par le mécanisme du tutorat rémunéré ou tutorat bénévolat (L129-1). Cependant, une prise de contrôle n’a pas que des avantages. En effet, elle entrainera forcément une perte d’indépendance de la société cible du fait notamment de restructuration à venir, perte d’emploi, abandon d’activités au profit d’autres. Les associés minoritaires seront impactés par une diminution de leur possibilité de contrôle, leurs parts et actions perdant de la valeur (cf : possibilité de mise en place d’un fonds de contrôle empêchant cela).  

  1.   art. L 430-1 à L 430-10 
  2. Art 1204 du CCiv 
  3. (Cass. com. 25-1-1994 n° 221 : RJDA 6/94 n° 618
  4. (Cass. 1e civ. 7-3-2018 n° 15-21.244 F-PB : RJDA 6/18 n° 486 ; Cass. com. 25-5-2022 n° 20-18.666 F-D : RJDA 10/22 n° 547). 
  5. CA Paris 19-6-1998 : Bull. Joly 1998 p. 1152 note A. Couret et, sur pourvoi, Cass. com. 18-12-2001 n° 98-19.524 F-D ; dans le même sens, CA Versailles 19-11-1998 : RJDA 7/99 n° 755). 
  6. Cass. ass. plén. 22-4-2011 n° 09-16.008 : RJDA 8-9/11 n° 676 
  7. C. civ. art. 1204, al. 2 
  8. art. 1204, al. 3 
  9. Cass. com. 21-1-2004 n° 156 : RJDA 5/04 n° 522 ; CA Paris 8-1-2009 n° 07/21656 : RJDA 4/09 n° 307 
  10. Cass. com. 20-9-2011 n° 10-20.664 : RJDA 1/12 n° 5). 
  11. Article 1216 du Code civil  

  

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