Parmi les opérations qu’un gérant de SCI peut conclure, figurent celles qui portent sur les immeubles. Exceptionnelles et stratégiques, les transactions immobilières engagées par le gérant sont soumises à des règles strictes, notamment en ce qui concerne la validité de l’opération et l’étendue des pouvoirs du gérant.
En pratique, la rédaction de l’objet social de la SCI détermine la validité des opérations immobilières réalisées. Dans ce contexte, la vente d’un immeuble par le gérant d’une SCI est une question complexe qui soulève de nombreuses interrogations illustrées par des contentieux jurisprudentiels.
I) Etendue des pouvoirs du gérant à l’égard des tiers et des associés de la SCI
A) Pouvoirs du gérant à l’égard des tiers
Par principe, le gérant d’une SCI dispose du pouvoir d’engager la société à l’égard des tiers dans le cadre des opérations entrant dans l’objet social (article 1849 du Code civil). Cela signifie que le gérant pourra accomplir des actes de disposition à la condition que ceux-ci soient compris au sein de l’objet social.
Il en découle de ce principe que le gérant qui effectuerait un acte dépassant l’objet social de la société n’engagerait pas cette dernière. Cependant dans la mesure ou les clauses statutaires de limitation de pouvoirs du gérant ne sont pas opposables au tiers, si le gérant réalise un acte outrepassant ses pouvoirs statutaires mais entrant dans l’objet social ce dernier engagerait la société à l’égard des tiers.
En outre, il convient de noter que les tiers qui traitent avec la SCI sont en droit de présumer que le gérant agit dans les limites de ses pouvoirs légaux et statutaires.
Il est essentiel de souligner que la rédaction des statuts revêt un caractère fondamental en ce qu’elle permet d’encadrer la volonté des associés, ayant une responsabilité illimitée dans le cadre d’une SCI. Les statuts peuvent restreindre ou étendre les pouvoirs du gérant et doivent être rédigés avec précision pour éviter toute ambiguïté. Toutefois, un objet social formulé de manière extensive donnera au gérant une marge de manœuvre plus importante.
B) Pouvoirs du gérant à l’égard des associés
Conformément aux dispositions de l’alinéa 3 de l’article 1848 du Code civil, lors de la rédaction des statuts, les associés ont la possibilité de limiter les pouvoirs du gérant. Ces statuts définissent une liste non-exhaustive des actes autorisés ou interdits au gérant, ou exigent une autorisation préalable des associés pour certaines décisions. En cas de violation par le gérant d’une clause limitant ses pouvoirs, les associés peuvent demander réparation du préjudice subi (CA Paris 21-2-2003 n° 02-5910).
En l’absence de clause déterminant les pouvoirs du gérant, celui-ci peut accomplir « tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société » (article 1848 alinéa 1 du Code civil) en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de l’activité de la SCI.
Bien que la notion d’intérêt social, en raison du caractère singulier de la volonté commune des associés, ne soit pas aisément identifiable, celle-ci constitue le critère principal pour évaluer la légalité des décisions et actions du gérant. Il convient de noter que la prise en compte de l’intérêt social implique certainement a minima le respect de l’objet social.
La responsabilité d’un gérant ayant accompli un tel acte peut être engagée à l’égard de la société pour faute de gestion. A été retenue comme constituant une faute de gestion, la conclusion d’un bail dans des conditions préjudiciables à la société (Cass. com. 8-6-1963).
II) Application des règles relatives aux pouvoirs dans le cadre d’une cession d’immeuble
A) Distinction selon l’intégration de la cession dans l’objet social
Lorsqu’un gérant de SCI envisage de vendre un immeuble, dans un premier temps, il doit consulter les statuts de la société afin de déterminer s’il dispose effectivement des pouvoirs nécessaires pour conclure l’opération. Dans la mesure ou la clause relative à l’objet social détermine la conformité de l’acte, il doit porter une attention particulière à cette clause. Pour cette raison, il convient de distinguer si l’objet social comprend ou non la vente d’un bien immobilier :
- Si l’objet social comprend expressément la vente d’un bien immobilier : en présence d’une clause statutaire limitant les pouvoirs du gérant, ce dernier peut tout de même procéder à la cession du bien immobilier, dès lors que cette opération est explicitement autorisée par les statuts. Toutefois, le gérant engage sa responsabilité à l’égard des associés.
- Si l’objet social ne comprend pas la vente d’un bien immobilier : en principe la faculté au gérant de vendre le bien est écartée. L’opération ne peut être valablement effectuée qu’avec l’autorisation des associés. La majorité à atteindre est celle prévue pour les modifications de statuts. Le contentieux en la matière est abondant.
B) Interprétation de la clause relative à l’objet social par les juges
Concernant la possibilité pour le gérant d’une SCI de vendre un immeuble appartenant à la société, les tribunaux se fondent sur la clause des statuts définissant l’objet de la société.
Le pouvoir de disposer d’un immeuble social n’a pas été reconnu au gérant d’une SCI ayant pour objet :
- « l’acquisition, la propriété, l’administration, la mise en location, la gestion et l’exploitation de tous immeubles […] et généralement toutes opérations quelconques se rattachant directement ou indirectement à cet objet » (Cass. 3e civ. 6-9-2011 n° 10-21.815 ; Cass. 3e civ. 23-10-2013 n° 12-22.720) ;
- « la propriété, la gestion, l’exploitation par bail, location ou autrement d’immeubles ou d’étangs » (Cass. 3e civ. 31-3-1999) ;
- « la propriété, la possession, la jouissance, l’administration, l’aménagement, la transformation et l’exploitation par bail, location ou autrement des terrains et immeubles » (Cass. 3e civ. 5-11-2020 n° 19-21.214). Il s’agissait spécifiquement d’une cession des parcelles de terrain appartenant à la société.
Cependant, le gérant d’une SCI ayant pour objet « la propriété de tous biens immobiliers situés en France, ainsi que toutes opérations mobilières ou immobilières susceptibles d’en favoriser le développement immobilier » pouvait valablement consentir une promesse de vente portant sur le seul immeuble de la société (Cass. com. 26-2-2008 n° 06-21.744).
Dans une nouvelle affaire, la Cour de Cassation a jugé que la vente d’un immeuble n’entre pas dans l’objet d’une SCI faute d’y être mentionnée (Cass. 3e civ. 23-11-2023 n° 22-17.475).
La vente d’un immeuble par le gérant d’une SCI requiert une attention particulière aux pouvoirs du gérant. En outre, une répétition de ces opérations pourrait entraîner une requalification de l’activité de la société en marchand de biens, avec des implications fiscales.