Dès lors que plusieurs individus détiennent des droits similaires sur un bien, qu’il soit mobilier ou immobilier, une situation juridique complexe émerge, connue sous le nom d’indivision. Cette dernière peut concerner différents aspects de la propriété, tels que la pleine propriété, la nue-propriété ou l’usufruit d’un bien.
L’indivision peut être imposée aux coindivisaires dans des contextes variés, mais elle se manifeste de manière particulièrement significative dans le cadre des successions. Dans ce contexte, la gestion du patrimoine du défunt représente un défi complexe. Chacun des héritiers indivisaires devient propriétaire d’une fraction des biens dépendant de la succession, ce qui leur confère des droits concurrents sur les biens indivis.
I) Actes conservatoires pouvant être accomplis individuellement par chaque indivisaire
Les actes de conservation concernent tous les actes juridiques et matériels nécessaires à la conservation du bien et peuvent être initiés par un seul des indivisaires. Bien qu’accomplis par un indivisaire seul, ils engagent l’ensemble des coindivisaires.
Il peut s’agir de mesures conservatoires qui ne présentent pas un caractère d’urgence (article 815-2, alinéa du Code civil). A titre d’exemples, ces actions peuvent comprendre la souscription d’un contrat d’assurance incendie pour un immeuble ; une réparation urgente ; une mise en demeure de payer adressée à un débiteur. La Cour de Cassation a également qualifié d’actes conservatoires :
- L’action en paiement d’une indemnité de résiliation contractuelle (Cass. Civ. 1ère, 10 septembre 2015, n° 14-24.690) ;
- Le paiement de la taxe foncière (Cass. Civ. 1ère, 5 décembre 2018, n°17-31189) ;
- L’action en revendication d’une servitude de passage (Cass. Civ 3ème, 4 décembre 1991, n°89-1989).
Afin de financer ces actes conservatoires, l’article 815-2 alinéa 2 du Code civil, permet à l’indivisaire d’employer les fonds de l’indivision. A défaut de fonds, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires (alinéa 3 du même article).
II) Actes d’administration nécessitant la majorité des deux tiers des droits indivis
Selon l’article 815-3 alinéa 1 du Code civil, le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
- Effectuer les actes d’administration relatifs aux biens indivis ;
- Donner à l’un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d’administration ;
- Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l’indivision ;
- Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Le ou les indivisaires qui prennent l’initiative de recourir à cette faculté doivent en informer les autres héritiers, à sous peine d’inopposabilité de l’acte à ces derniers (article 815-3 alinéa 2 du Code civil).
La règle de majorité des deux tiers est uniquement liée aux quotes-parts indivises et non au nombre d’indivisaires. Par conséquent, un indivisaire qui détiendrait deux tiers des droits indivis peut accomplir seul les actes d’administration.
III) Actes de disposition requérant l’unanimité de tous les indivisaires
Les actes qui ne sont ni conservatoires, ni d’administration nécessitent l’unanimité de tous les indivisaires. Conformément aux dispositions de l’article 815-3 alinéa 3 du Code civil, sont en principe soumis à la règle de l’unanimité :
- les actes qui ne ressortissent pas à l’exploitation normale des biens indivis (exemple : la conclusion et du renouvellement des baux portant sur des immeubles à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal) ;
- la vente de l’immeuble indivis ;
- la vente de meubles indivis autre que celle destinée à payer les dettes et charges de la succession ;
Toutefois, l’aliénation d’un bien indivis peut être judiciairement autorisée, à la demande d’un ou plusieurs indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis. Pour cela, deux conditions doivent être réunies (article 815-5-1 du Code civil) :
- aucun indivisaire ne doit être présumé absent, se trouver par suite d’éloignement hors d’état de manifester sa volonté ou faire l’objet d’un régime de protection ;
- le bien doit être détenu en pleine propriété par l’indivision.
Les héritiers indivisaires n’étant pas tenus de mettre fin à l’indivision, celle-ci peut s’étendre sur de nombreuses années. En cas de décès successifs, il est nécessaire d’aménager l’indivision par convention, les règles légales n’étant pas impératives.