L’indivision constitue un régime de propriété initialement conçu comme temporaire avec le principe fondamental selon lequel « nul n’est tenu d’y demeurer ».
Cependant, ce régime a progressivement évolué vers une certaine pérennité grâce à des dispositifs comme les partages partiels et les conventions d’indivision. Cette évolution a transformé l’indivision en une option volontairement choisie par les coacquéreurs, notamment dans le cadre d’acquisitions onéreuses comme l’achat immobilier.
Afin de liquider l’indivision, l’article 815-13 du Code civil offre un cadre légal pour le remboursement des dépenses engagées par un indivisaire sur le bien indivis.
I) Régime des dépenses de l’article 815-13 du Code civil
La liquidation de l’indivision désigne une opération juridique qui intervient lorsque plusieurs personnes possèdent un bien en commun et décident de mettre fin à cette situation pour partager le bien ou le vendre et se répartir le prix de cession. L’opération peut se révéler épineuse, notamment lorsque des dépenses personnelles ont été engagées sur le bien indivis et que l’indivisaire souhaite obtenir un remboursement de ces dépenses.
Selon l’article 815-13 du Code civil, l’indivisaire qui a financé, avec ses deniers personnels, des dépenses sur le bien indivis, a droit au remboursement des dépenses engagées. Les modalités d’évaluation de cette créance varient en fonction de la nature des dépenses. L’article 815-13 distingue deux types de dépenses pouvant ouvrir droit à remboursement :
- Dépenses de conservation : Il s’agit de dépenses nécessaires pour maintenir le bien en état et éviter sa dégradation. Elles incluent, par exemple, les travaux de réparation urgents, les frais d’entretien courant, et les coûts associés à la préservation du bien.
- Dépenses d’amélioration : Ce sont des dépenses destinées à augmenter la valeur du bien. Elles peuvent inclure des rénovations, des améliorations structurelles ou esthétiques, et d’autres investissements qui apportent une plus-value au bien indivis.
En application de la règle générale, la créance de l’indivisaire est évaluée en comparant deux montants :
- le profit subsistant, c’est-à-dire la plus-value générée par la dépense ;
- le montant de la dépense elle-même.
II) Application jurisprudentielle et modalité de calcul du profit subsistant
Dans le cadre d’une affaire jugée (Cass. 1ère Civ., 23 mai 2024, n°22-11.649), la Cour de cassation a apporté des précisions sur l’application de l’article 815-13 du Code civil. Cette affaire impliquait deux concubins ayant acquis un immeuble d’habitation en indivision, avec des parts respectives de trois quarts et un quart. Des difficultés sont apparues lors de la liquidation de l’indivision. L’un des concubins revendiquait une créance au titre du financement de l’immeuble, affirmant avoir financé 75 % des échéances entre 2003 et 2006, puis l’intégralité par la suite, avec ses deniers personnels.
La Cour d’appel de Caen (CA Caen, 22 septembre 2020, n°17/02088) avait initialement calculé cette créance en évaluant la proportion dans laquelle le requérant avait financé la part de son coindivisaire avant d’appliquer cette même proportion à la différence entre la valeur actuelle du bien indivis et le prix de son acquisition.
Cependant, la Cour de cassation a censuré cette méthode, soulignant que pour évaluer la créance, il convient de comparer le montant du profit subsistant avec celui de la dépense faite. Concernant le profit subsistant il convient « d’établir la proportion dans laquelle le règlement des échéances de l’emprunt, en capital et intérêts, avait contribué au financement global de l’acquisition, incluant les frais d’acquisition et le coût du crédit, puis d’appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l’acquisition ».
Ainsi, la Cour de cassation rappelle que le calcul de la créance de l’indivisaire contre l’indivision doit suivre un principe précis : il s’agit de comparer la valeur actuelle du bien, telle qu’elle a été augmentée par les dépenses nécessaires, avec le montant de la dépense effectuée, tout en tenant compte de l’équité.
A titre de rappel, l’article 815-13 du Code civil ne s’applique pas aux dépenses d’acquisition. Le remboursement des échéances du prêt finançant l’acquisition du bien indivis relève d’une dépense nécessaire à la conservation du bien.