Le pacte de préférence est un dispositif fréquemment mis en place dans les transactions, conférant au bénéficiaire un droit prioritaire d’acquisition en cas de vente d’un bien.
De nombreux pactes de préférence sont en effet conclus sans limitation de durée. Toutefois, l’absence de cadre temporel dans ce type de pacte ou tout autre engagement contractuel soulève des questions essentielles quant à la validité et aux effets de ces engagements dits « perpétuels ».
La première chambre civile de la Cour de cassation s’est récemment penchée sur cette question dans un arrêt du 25 septembre 2024 en confirmant des principes importants qui régissent ce type d’engagements.
I. Définition et exécution du pacte de préférence
Selon l’article 1123 alinéa 1er du Code civil « le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter ».
À la différence de la promesse de vente, le pacte de préférence n’oblige pas le promettant à vendre, mais lui impose de préférer le bénéficiaire en qualité d’acquéreur s’il opte pour la vente. Cette distinction est fondamentale : tandis qu’une promesse de vente impose au promettant de vendre à des conditions convenues, le débiteur d’un pacte de préférence conserve sa liberté de vendre ou non le bien.
En principe, le pacte de préférence est inopposable à un tiers acquéreur de bonne foi, en vertu du principe d’effet relatif des conventions. Cela signifie que si un bien est vendu à un tiers qui ignore l’existence du pacte, la vente reste valable. Dans cette situation, le bénéficiaire du pacte ne peut engager que la responsabilité civile contractuelle du promettant pour non-respect de son engagement prioritaire
Toutefois, lorsque le tiers acquéreur a eu connaissance à la fois de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de l’exercer, le bénéficiaire est en droit de demander la nullité de la vente ou de demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu (article 1123 alinéa 2 du Code civil).
Bien que la stipulation d’un délai ne constitue pas une condition de validité du pacte de préférence (Cass. 1ère civ., 6 juin 2001, n° 98-20.673), la question de la durée reste néanmoins délicate.
En 2016, le Code civil a instauré à l’article 1210 une prohibition des engagements perpétuels, permettant à chaque contractant de résilier un contrat sans terme sous certaines conditions. Toutefois, les pactes de préférence sans limitation de durée demeurent courants.
II. Absence de nullité du pacte de préférence sans durée : confirmation par la Cour de cassation
Dans le litige soumis à l’examen de la Cour de cassation (Cass. 1ère civ., 25 sept. 2024, n°23-14.777), une propriétaire consent un pacte de préférence sur un bien immobilier à un couple, le 19 juillet 1990. Plus de vingt ans plus tard, elle informe les bénéficiaires de son intention de vendre le bien à une tierce personne, leur donnant trois mois pour faire valoir leur droit. Les bénéficiaires manifestent leur volonté d’exercer ce droit dans les délais impartis, mais la promettante refuse finalement de signer l’acte de vente.
Les bénéficiaires du pacte de préférence ont engagé deux sommations pour comparaître chez le notaire, sans succès. A la suite du décès de la propriétaire le bien est transmis à un légataire universel qui remet en cause la validité du pacte de préférence, soutenant qu’il s’agit d’un engagement perpétuel portant atteinte au droit de propriété. Il argue que la durée excessive du pacte, qui ne comportait aucun terme, constitue une atteinte à ce droit et demande donc son annulation. Les bénéficiaires assignent le légataire afin d’obtenir la vente judiciaire et forcée du bien.
Les juges du fond et la Cour d’appel considéraient que les bénéficiaires ont exercé leur droit de préférence en exécution du contrat et que le pacte de préférence ne pouvait pas être concerné par la prohibition des engagements perpétuels.
La première chambre civile de la Cour de cassation préciser que « les engagements perpétuels ne sont pas sanctionnés par la nullité du contrat mais chaque contractant peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. » Par conséquent, en l’absence de résiliation du pacte de préférence, les bénéficiaires étaient en droit d’exercer leur droit de préférence.
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A titre de rappel, dans le cadre des pactes de préférence, l’article 1123 alinéas 3 et 4 du Code civil prévoit qu’un tiers peut, par écrit, demander au bénéficiaire de confirmer l’existence d’un pacte et son intention de l’exercer, dans un délai raisonnable qu’il fixe. Si le bénéficiaire ne répond pas dans ce délai, il perd le droit de demander sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou d’exiger l’annulation de ce contrat.