L’exclusion d’un associé lors d’une assemblée générale est une situation délicate qui soulève de nombreuses questions juridiques. Priver un associé de son droit de vote, notamment lors d’une assemblée visant son exclusion, est un sujet complexe et récurrent dans la jurisprudence. La Cour de cassation, à travers plusieurs décisions récentes, a apporté des précisions importantes en la matière.
I. Le droit de participation aux décisions collectives : un principe fondamental
A. Un droit protégé par le Code civil
Le droit de participation aux décisions collectives est un principe essentiel inscrit à l’article 1844, alinéa 1 du Code civil. Cet article dispose que tout associé, quel que soit le type de société, détient un droit de participation aux décisions collectives. Ce droit inclut le pouvoir de voter lors des assemblées générales. En vertu de ce texte, il est impossible de priver un associé de son droit de vote, sauf dans les cas expressément prévus par la loi.
La Cour de cassation a consacré ce principe dès 1999, dans un arrêt emblématique (Cass. com., 9 février 1999, n° 96-17.661), en affirmant que chaque associé, même celui visé par une procédure d’exclusion, a le droit de voter lors des assemblées délibérant sur cette exclusion.
B. La limitation des dérogations statutaires
La liberté statutaire est un des piliers des sociétés comme la SAS (Société par Actions Simplifiée). Cependant, la Cour de cassation a rappelé que cette liberté ne peut pas déroger aux règles d’ordre public, notamment celles prévues par l’article 1844 du Code civil. Une société ne peut donc pas prévoir dans ses statuts des clauses qui priveraient un associé de son droit de vote lors d’une assemblée portant sur son exclusion.
En 2013, la haute juridiction (Cass. com., 9 juillet 2013, n°12-21.238) a annulé une clause statutaire d’une société civile qui empêchait un associé de participer au vote sur son exclusion, jugeant cette disposition contraire à l’ordre public.
II. Les exceptions et évolutions jurisprudentielles
A. Les décisions contradictoires
Si la règle générale semble bien établie, des arrêts contradictoires ont semé le doute dans l’interprétation de la jurisprudence. Par exemple, en 2007, la Cour de cassation (Cass. com., 23 octobre 2007, n°06-16.537) a admis une clause dans une société civile qui permettait d’exclure un associé à l’unanimité des autres associés, tout en écartant la voix de l’associé visé par l’exclusion. Cet arrêt a suscité de nombreux débats, car il semblait contourner l’interdiction de priver un associé de son droit de vote.
Cependant, la portée de ce dernier a été limitée, notamment par un arrêt de 2018 (Cass. com., 24 octobre 2018, n°17-26.402), qui a rappelé la primauté des dispositions d’ordre public.
B. L’évolution récente de la jurisprudence : la distinction entre la clause et la stipulation
Dans un arrêt du 21 avril 2022 (Cass. com., 21 avril 2022, n°20-20.619), la Cour de cassation a précisé que seule la stipulation d’une clause ayant pour effet de priver un associé de son droit de vote est réputée non écrite, et non la totalité de la clause d’exclusion. Cette précision apporte un éclairage intéressant sur la possibilité pour les sociétés de moduler les modalités de vote, sans pour autant priver l’associé visé de son droit fondamental à participer à la décision.
C. Le cas des sociétés d’exercice libéral
Un cas particulier concerne les sociétés d’exercice libéral, régies par des textes spécifiques. En 2014, la Cour de cassation a censuré une clause dans une SELARL médicale, qui privait de droit de vote l’associé visé par l’exclusion ainsi que d’autres associés sanctionnés pour des faits connexes (Cass. com., 6 mai 2014, n°13-14.960). Cette décision illustre la complexité des interactions entre le droit commun des sociétés et les règles propres à certaines formes juridiques spécifiques.
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La question du droit de vote des associés lors d’une procédure d’exclusion est loin d’être anecdotique, comme en témoignent les nombreux contentieux en la matière. L’évolution de la jurisprudence et la complexité des textes applicables rendent nécessaire l’accompagnement d’un professionnel qualifié. Les experts-comptables, spécialistes du droit des sociétés, sont en mesure de vous conseiller sur la rédaction de vos statuts et de vous assurer que ceux-ci respectent les dernières évolutions légales et jurisprudentielles.