Dans le cadre des baux commerciaux, l’indemnité d’éviction constitue une protection essentielle pour le locataire lorsque le bailleur refuse de renouveler le bail, en compensant les pertes liées à la fin du bail et en offrant une certaine stabilité dans l’exercice de son activité.
En effet, alternative au renouvellement du bail, cette indemnité représente le montant que le bailleur doit payer au locataire pour recouvrer la libre jouissance de son bien dès lors qu’il ne peut invoquer aucun des motifs l’exonérant de ce paiement.
I. Expiration du bail commercial et droit au renouvellement
A l’expiration d’un bail commercial, le locataire bénéficie du droit au renouvellement du bail (article L 145-8 du Code de commerce) ou, à défaut, au paiement d’une indemnité d’éviction (article L 145-14 du Code de commerce).
Le renouvellement d’un bail n’est toutefois pas automatique, sauf exception. Il peut résulter :
- soit d’un congé délivré par le bailleur, assorti d’une offre de renouvellement, au moins six mois avant la fin du bail (article L 145-9 du Code de commerce),
- soit d’une réponse favorable du bailleur à une demande de renouvellement formulée par le locataire.
Le droit au renouvellement est d’ordre public, et selon les dispositions de l’article L 145-15 du Code de commerce « sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme, les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet de faire échec au droit de renouvellement ».
Cependant, ce droit n’est pas garanti sans conditions. Pour en bénéficier, le locataire doit remplir plusieurs critères définis à l’article L 145-1 du Code de commerce, parmi lesquels figurent les conditions générales suivantes :
- l’existence d’un bail qui porte sur un immeuble ou un local ;
- l’exploitation d’un fonds de commerce ou artisanal dans l’immeuble loué ;
- l’immatriculation du propriétaire du fonds au registre du commerce et des sociétés ou au registre national des entreprises.
Le locataire doit également satisfaire à des conditions spécifiques. En effet, il doit être propriétaire du fonds et celui-ci doit avoir été exploité pendant une certaine durée, sauf motif légitime de non-exploitation.
La Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 11 janvier 2024, qu’un congé incluant une offre de renouvellement du bail à des clauses et conditions différentes de celles du bail expiré, hormis le loyer, s’analyse comme un congé avec refus de renouvellement ouvrant droit à indemnité d’éviction.
II. Requalification d’un congé avec offre de renouvellement à des conditions différentes
Dans une affaire portée devant la Cour de cassation, le bailleur, au terme d’un bail commercial, portant sur les locaux d’un restaurant, avait émis un congé assorti d’une offre de renouvellement. Cette offre incluait de nouvelles obligations d’entretien et des modifications de la contenance des lieux loués. Les locataires, estimant que ces clauses différentes altéraient le bail initial et signifiaient un refus implicite de renouvellement, ont réclamé une indemnité d’éviction.
La Cour d’appel, avait rejeté la demande des locataires, considérant que les nouvelles conditions proposées, bien que sortaient du cadre du bail initial, elles constituaient néanmoins une offre de régularisation d’un nouveau bail et ne s’analysaient pas comme un refus de renouvellement justifiant une indemnité d’éviction.
Cependant, la Cour de cassation (Cass. 3e civ. 11-1-2024 n° 22-20.872 FS-B, M. c/ Communauté de Communes de Charente Limousine) a censuré cette décision :
- Rappelant que, sauf accord contraire, le renouvellement d’un bail doit se faire aux clauses et conditions de l’accord initial, à l’exception du prix, qui peut être révisé par le juge ;
- Précisant que le renouvellement d’un bail à des clauses et conditions différentes, sauf pour le loyer, équivaut à un refus de renouvellement, obligeant le bailleur à verser une indemnité d’éviction.
–
Cet arrêt souligne l’importance de respecter les clauses initiales du bail lors d’une offre de renouvellement pour éviter une requalification en refus de renouvellement, ouvrant droit à une indemnité d’éviction. A titre de rappel, le bailleur conserve un droit de repentir : en acceptant finalement le renouvellement, il peut se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction.