Apport en société et remise en cause du régime de faveur des plus-values sur cession de titres 

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Le régime d’abattement renforcé pour durée de détention, applicable aux cessions de titres au sein du groupe familial, a été instauré pour faciliter la transmission des entreprises familiales. Ce dispositif, s’appliquant aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2014, permet de réduire les gains nets soumis à l’impôt sur le revenu, sous réserve du respect de conditions strictes fixées par l’article 150-0 D, 1 quater du Code général des impôts (CGI). 

Cependant, certaines opérations, tel qu’un apport de titres à une société, peuvent entraîner la perte de ce régime de faveur. 

 

I. Conditions d’application du régime de faveur de l’abattement renforcé  

Le bénéfice de l’abattement renforcé est réservé aux gains nets de cession réalisés dans un cadre familial, sous réserve de satisfaire plusieurs critères (BOI-RPPM-PVBMI-20-30-20, §10-100) : 

  • Définition du groupe familial : le groupe familial du cédant inclut notamment le conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ; les ascendants et descendants ; les frères et sœurs du cédant ; 
  • Condition tenant à la détention d’une participation substantielle : le cédant, seul ou avec les membres de son groupe familial, doit avoir détenu au moins 25 % des droits dans les bénéfices sociaux de la société à un moment quelconque au cours des cinq années précédant la cession. 
  • Condition tenant à la société dont les titres sont cédés : seules les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés ou un impôt équivalent et ayant leur siège social en France ou dans un autre État de l’Union européenne (UE) ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. 
  • Conditions tenant à la personne du cessionnaire : le cessionnaire doit être un membre du groupe familial. 

Les droits sociaux ne doivent pas être revendus à un tiers dans un délai de cinq ans suivant la cession. Pour que cette condition se trouve remplie, le cessionnaire doit, en principe, conserver l’intégralité des droits sociaux acquis, pendant un délai de cinq ans suivant la cession, ce délai devant s’apprécier de date à date. 

 

II. Remise en cause du régime en cas d’apport des titres à une société holding 

 

Le Conseil d’Etat a apporté un éclairage intéressant concernant les opérations intervenant dans le délai de 5 ans, susceptible d’entraîner la remise en cause de ce régime de faveur (CE, 08/11/2024 n°490858). 

Une contribuable a cédé plus de 1 000 actions de sa société à son époux sur une période de quatre ans entre 2011 et 2015. Ces transactions ont bénéficié du régime d’abattement renforcé pour cessions au sein du groupe familial. Toutefois, avant l’expiration du délai de conservation obligatoire de 5 ans, les époux ont apporté l’intégralité de leurs titres à une société holding familiale. 

L’administration fiscale a remis en cause le bénéfice de l’abattement, considérant que l’apport des titres à une entité distincte constituait une revente à un tiers. 

Dans son arrêt du 14 novembre 2023, la Cour administrative d’appel de Nantes (CAA Nantes, 14/11/ 2023 n°22NT03721) a considéré que l’apport des actions à la holding ne pouvait pas être assimilé à une revente à un tiers. Elle a justifié cette position en soulignant l’absence de flux financier direct lors de l’apport. 

Le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la CA, considérant que : 

  • L’apport des actions à une personne morale distincte même familiale, doit être regardé comme une revente à un tiers ; 
  • Cette revente étant intervenue avant la fin du délai de cinq ans, les conditions du régime d’abattement renforcé n’étaient pas respectées. 

 

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Cette décision réaffirme que l’apport de titres à une société distincte, même sans flux financier, peut entraîner la remise en cause du régime fiscal de faveur lorsqu’il intervient avant la fin du délai de conservation de cinq ans. Elle souligne l’importance de respecter scrupuleusement les conditions fixées. 

 

ECP 

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