Apport en compte courant et faute de gestion des associés
Qu’est-ce qu’un apport en compte courant ?
Un apport en compte courant désigne une avance consentie par un associé ou un dirigeant au profit de la société, dans le but de financer tout type de besoins ou d’opérations. Elle peut notamment financer le besoin en fonds de roulement de la société, une dépense imprévue, ou encore le développement d’un projet.
Il est donc permis aux associés de financer leur société par deux voies :
- Effectuer un apport en capital entraînant une augmentation du capital social ;
- Procéder à un apport en compte courant.
Qu’en est-il de son remboursement ?
En principe, un apport en compte courant d’associé est remboursable à tout moment, soit en partie soit en totalité, sur demande de son titulaire, et sauf clause statutaire ou conventionnelle contraire (Cass. com. 24-6-1997 n 95-20.056 ; Cass. 3 civ. 3-5-2018 n 16-16.558). Il s’ensuit, qu’une société ne peut pas opposer sa situation financière difficile à l’associé pour refuser le remboursement de son compte courant d’associé (CA Paris 24-2-2015 n° 13/20394) ni même limiter le remboursement à la somme que peut supporter sa trésorerie (Cass. com. 8-12-2009 n°08-16.418).
Toutefois, une limite est prévue : la demande de remboursement doit être effectuée de bonne foi et ne doit pas être abusive pour la société. A titre d’exemple, les intéressés ont commis une faute en se faisant rembourser leurs comptes courants d’associés alors qu’ils savaient que la créance d’un tiers n’avait pas été prise en compte lors de la liquidation amiable de la société (CA Paris 12-2-1999).
En outre, le dirigeant de la société peut, dans certaines circonstances, être sanctionné au titre d’une faute de gestion pour avoir remboursé un compte courant d’associé (Cass. com. 24-5-2018 n°17-10.119). Plus précisément les juges considèrent que la demande de remboursement effectuée au détriment de l’intérêt de la société est considérée comme une faute de gestion.
C’est dans ce contexte que la Cour d’appel a rendu un arrêt (CA, Paris, Pôle 5, chambre 8, 1 Février 2022 – n° 19/22749), jugeant que les associés n’ont pas commis de faute en effectuant des dépenses personnelles au moyens de chèques émis par la société, leur compte courant d’associé étant débité des mêmes montants et aucun paiement préférentiel au détriment du créancier de l’entreprise n’étant caractérisé.
En l’espèce, les époux, coassociés et cogérants, face aux difficultés financières rencontrées par l’entreprise, déclarent l’état de cessation des paiements de cette dernière, qui est placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire constate que des dépenses personnelles ont été effectuées par les associés, précédemment à l’ouverture de la procédure collective.
A sa demande, les juges du fond condamne les époux au paiement d’une somme de 13 475 euros correspondant à celle déclarée par un créancier social au passif de la liquidation judiciaire ; retenant que les associés ont commis une faute à l’égard des autres créanciers en procédant à un paiement préférentiel et la circonstance qu’ils ont déclaré une créance de 65 000 euros au titre de leur compte courant étant indifférente, ceux-ci étant directement responsables de la gestion de l’entreprise et de la perte de leur prêt.
La Cour d’appel infirme le jugement en toutes ses dispositions et déboute le liquidateur judiciaire de ses demandes :
- rappelant le principe selon lequel l’avance en compte courant est remboursable à tout moment. L’abus de droit tenant aux conditions d’exercice du droit de l’associé concerné en ce qu’il aurait eu l’intention de nuire et de porter atteinte à l’intérêt de la société et aux droits des créanciers, n’était pas caractérisé ;
- soulignant que les dépenses personnelles litigieuses n’avaient pas été effectuées en période suspecte et que la majorité des paiements et ceux qui ont les montants les plus élevés, ont été effectués pour régler les cotisations RSI dont le paiement est obligatoire pour des gérants de société, que leur montant total est dérisoire par rapport aux apports qu’ils ont consentis à la société ;
- relevant que seuls deux créanciers ont déclaré leur créance : la société qui se prévalait d’une créance de 13 475 euros et les associés eux-mêmes au titre de leur compte courant ;
- précisant que les remboursements du compte courant, sont tous intervenus avant que la créance de 13 475 euros ne soit devenue liquide et exigible à la suite d’un jugement, ne constituant pas un paiement préférentiel au détriment du créancier de l’entreprise (Cass. com. 24-5-2018 n°17-10.119)
- affirmant l’absence de manœuvre dolosive comptable au préjudice de la société. Le comportement des co-gérants n’a pas entraîné la cessation des paiements de la société, laquelle est intervenue une année après le dernier remboursement.
Bien que la loi n’encadre nullement la convention d’avance en compte courant, il est impératif de prévoir certaines clause afin d’encadrer les termes et conditions de l’avance en compte courant : rémunération par un intérêt, durée de l’avance, échéancier de remboursement …